La lutte contre l'isolement des personnes âgées s'organise

13 août 2013
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Depuis la canicule de 2003 qui avait révélé l'extrême solitude de nombreux seniors, beaucoup d'initiatives ont été lancées pour aller à leur rencontre.

- Depuis la dramatique canicule de l'été 2003, de nombreuses initiatives associatives ou municipales ont vu le jour pour lutter contre la solitude des seniors. - En juillet, la ministre en charge du secteur, Michèle Delaunay, a même décrété une mobilisation nationale contre l'isolement social des personnes âgées. Dix ans déjà. Et un traumatisme qui reste encore profondément ancré dans bien des mémoires. «II est impossible d'oublier cette canicule de 2003», reconnaît Jean-François Serres, secrétaire général de l'association des petits frères des Pauvres. «Cela a été un choc pour tous ceux qui, comme nous, sont investis au quotidien aux côtés des personnes âgées, ajoute-il. Collectivement, on s'est tous posé des questions : mais comment toutes ces personnes, mortes chez elles, avaient-elles pu rester à ce point invisibles ? Comment avaient-elles échappé à tous nos regards ?» En ce mois d'août 2003, la France a été confrontée à une vague de chaleur meurtrière : du 1er au 20 août, 14 800 décès supplémentaires ont été recensés sur l'ensemble du territoire (lire repères). À la suite de cet événement dramatique, de nombreuses mesures ont été prises pour mieux anticiper les fortes chaleurs. Dès 2004, les pouvoirs publics ont mis en place un plan canicule, en lien avec Météo France (lire La Croix du 22 juillet). La même année, une journée de solidarité a été créée, le lundi de Pentecôte, en faveur des personnes âgées et handicapées. Mais la canicule a aussi permis de prendre conscience d'un problème crucial, celui de l'isolement des personnes âgées. « Cet été-là, ily a eu, certes, une chaleur exceptionnelle. Mais ce qui a tué, c'est aussi la solitude », affirme Jean-François Serres. Un constat partagé par l'Institut national de veille sanitaire. « La surmortalité a été plus importante à domicile qu'en institution et a touché les célibataires, veufs et divorcés plus que les sujets mariés. Ceci évoque une fois de plus le rôle joué par le facteur d'isolement dans la mortalité», soulignait cet organisme dans une étude publiée en 2006. La mobilisation post-canicule est d'abord venue des associations. En 2004, sous l'impulsion des petits frères des Pauvres, une dizaine d'associations ont créé un collectif « Combattre la solitude des personnes âgées ». Avec une première victoire : grâce notamment à la Société de Saint-Vincent-de-Paul, la solitude a été déclarée «grande cause nationale » en 2011. Le quart des plus de 75 ans vivent dans la solitude. Beaucoup vivent mal cet isolement, plus subi que choisi. Et en juillet dernier, Michèle Delaunay, la ministre des personnes âgées, a décrété une mobilisation nationale contre l'isolement social des personnes âgées en recevant un rapport rédigé par Jean-François Serres. Selon une étude publiée début juillet par la Fondation de France (lire La Croix du 26 juin), la solitude touche cinq millions de personnes en France. Aujourd'hui, plus du tiers des Français n'ont pas de lien soutenu avec leur famille (39 %)et ont peu ou pas de contact avec leurs voisins (37 %). Conduite auprès de 5 000 personnes, l'étude montre aussi que le phénomène concerne toutes les classes d'âge. Sur les trois dernières années, le sentiment de solitude a par exemple doublé chez les moins de 40 ans, qui sont désormais 6 % à se déclarer seuls. Mais, là encore, c'est chez les personnes âgées que le problème est le plus aigu : le quart des plus de 75 ans, soit 1,2 million de personnes, vivent dans la solitude. «Les personnes seules ne vivent pas toujours mal leur isolement », souligne le rapport remis à Michèle Delaunay. «Celui-ci est souvent la conséquence d'un choix de société où l'autonomie individuelle est une valeur positive, partagée et défendue.Mais lorsque les relations choisies, aidantes, disparaissent et que la solitude s'impose, qu'elle est subie, les forces intérieures fondent aussi, peu à peu. On observe des phénomènes de repli, de dépréciation de soi, jusqu 'à la perte de l'espoir de compter encore un jour pour quelqu'un », ajoute le rapport, en relevant que beaucoup de personnes âgées vivent mal cet isolement, davantage subi que choisi. Pour y faire face, le rapport préconise la constitution, partout en France, « d'équipes citoyennes », composées de bénévoles et agissant dans les quartiers et les villages. Un combat mené en lien avec les collectivités locales qui, désormais, semblent très mobilisées sur le sujet. La lutte contre l'isolement constitue une des trois premières préoccupations des élus locaux après l'insertion des jeunes et la lutte contre le chômage (1). Et, de fait, au cours des dix dernières années, de nombreuses municipalités ont lancé des initiatives de terrain. La ville de Nancy a ainsi mis en place en 2009 le dispositif Téléphon'âge. Le système est simple : toute personne de plus de 60 ans peut s'inscrire et demander à être appelée, à une heure précise, dans la semaine, par un bénévole. Un petit coup de fil pour parler de tout et de rien. De la pluie ou du beau temps, des travaux dans la ville ou des commerçants qui ferment en été. Mais surtout pour prendre des nouvelles et voir si tout va bien. «L'objectif c'est de répondre aux besoins de convivialité des personnes et surtout de recréer du lien social », explique Fannie Varinol, directrice adjointe du centre communal d'action social (CCAS) de la ville de Nancy. «Mais ce contact peut aussi servir d'alerte et nous conduire, si besoin, à proposer un portage de re pas à domicile ou un système de téléassistance », ajoute-t-elle. Comme de nombreuses villes, Nancy a aussi mis en place un dispositif visant à mieux recenser les personnes vulnérables en cas de forte chaleur. Là encore, c'est sur la base du volontariat que les habitants peuvent s'inscrire pour être contactés à leur domicile. Mais cet été, à Nancy, seulement 213 personnes ont fait appel à ce service. « C'est vrai que, spontanément, beaucoup de personnes âgées, même très isolées, ne font pas de démarche pour s'inscrire dans ces dispositifs municipaux. Certaines ne veulent rien demander, d'autres ont le sentiment qu'elles n'ont besoin de rien ni de personne », constate le docteur Christophe Trivalle, gériatre à l'hôpital Paul- Brousse de Villejuif, près de Paris. Selon ce médecin, malgré le traumatisme de 2003, la mobilisation reste parfois difficile sur le terrain. « Chez nous, par exemple, on a de plus en plus de mal pour recruter des bénévoles auprès des personnes âgées », ajoute-il. Une autre leçon de 2003 est le fait que l'isolement est aussi et avant tout une question sociale. «On constate en effet que le sentiment de solitude touche 72 % des personnes ayant des bas revenus, contre seulement 31 % de celles en haut de l'échelle», souligne Jean-François Serres. «En 2003, parmi les victimes à domicile, ce sont celles qui vivaient dans des logements exigus, sous les toits, qui ont payé le plus lourd tribut», ajoute Bernard Ennuyer, sociologue et enseignant à l'université Paris-Descartes. «Et il est illusoire de penser qu'on pourra résoudre le problème de l'isolement des personnes âgées sans s'attaquer à certaines inégalités sociales ayant des répercussions sur leur vie quotidienne», ajoute-t-il. PIERRE BIENVAULT - La Croix - 12 août 2013 [1] Selon une étude de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée de mai 2013.

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