Témoignage

A 33 ans, Chadi Chamoun, salarié, revendique l'authenticité d'un engagement bénévole inspiré

01 juin 2011
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Dans le cadre de l'Année européenne du volontariat-bénévolat la Fraternité Paris Ouest se propose de faire le portrait de douze de ses bénévoles dont la personnalité illustre la pluralité de l'action bénévole et l'éventail des possibles qu'offre l'association des petits frères des Pauvres. Un rendez-vous régulier réparti sur les 12 mois de l'année : des profils atypiques, des témoignages authentiques construits comme un album photo. Aujourd'hui, le portrait de Chadi, un bénévole investi.

Prévenant le jeune homme ! Il m'attend à l'arrêt du bus pour m'accompagner chez France, la centenaire qu'il accompagne une fois par semaine depuis 2010. Chadi, né à Beyrouth, réside en France depuis sept ans et travaille comme second de cuisine dans un restaurant parisien de spécialités « inventives et internationales. » Apprentissage du métier au Liban, poursuivi en métropole et à l'étranger. Jean, polo Pacific Beach, baskets, yeux noirs en amande sous des sourcils charbonneux comme sa chevelure, Chadi a beaucoup du charme oriental d'Omar Sharif. Comme un petit-fils ! On gagne le 7e étage à pied. Panne d'ascenseur, synonyme d'isolement depuis dix jours pour France, à l'exception de l'aide-ménagère et de Chadi. Le seuil franchi, il vérifie le courrier, commente les séjours de vacances de l'association, établit le tiercé de sa protégée : « Cabourg premier choix ? » L'ex havraise opine du chef : « Ah ! Ma jeunesse normande » rigole France. « Je ne peux plus écrire » ; Chadi remplit le formulaire, rappelle qu'un bénévole l'a contacté par téléphone, qu'elle a confirmé un séjour fin mai, s'en réjouit même si elle a oublié l'appel. « L'assistante sociale de la mairie du 16e connait votre demande de maison de retraite. Elle viendra le 26 avril à 16 h. Je serai là » rassure Chadi. « Je serai contente d'y aller. Si j'ai besoin de calme, j'irai dans ma chambre mais ici c'est trop grand, je suis trop seule » lance-t-elle. « Votre nièce m'a demandé la liste des papiers pour une retraite au Havre. » Le moment venu, France choisira Paris ou sa ville natale. Pour compléter le dossier d'admission, Chadi récupère l'avis de non-imposition 2009 et la carte vitale sous les exclamations de France : « Il fait tout comme un petit-fils ! » Un grand garçon qui s'occupe de moi ! « On profite du soleil pour une promenade ? » lance Chadi qui attrape le sac à main, ferme la porte d'entrée, glisse les clefs dans sa poche, l'aide à pénétrer dans l'ascenseur qui fonctionne de nouveau. « Je n'ose pas sortir seule, j'ai peur de perdre l'équilibre » glisse-t-elle en traversant les rues pour gagner un banc tandis qu'il court photocopier les documents : « J'ai l'invitation à Chanoinesse, inutile de répondre, je dépose tout ce soir rue Bridaine. » France s'exclame : « C'est beau d'avoir un grand garçon qui s'occupe de moi ! » Je crois au destin Septembre 2009, France Bénévolat. Chadi consulte les offres de missions bénévoles. C'est une période psychologiquement lourde pour lui, il vient de perdre sa mère et recherche un emploi. « J'ai rejoint mon père et mes trois frères à Beyrouth pendant un mois, terrassé par la douleur. » Cela fait longtemps qu'il a envie d'aller vers l'autre. Qu'il est taraudé par le bénévolat. Qu'il a repoussé plusieurs fois l'idée d'être pris dans le tourbillon de la vie, du travail, s'est trouvé mille excuses pour remettre à plus tard. Il surfe sur Internet, glane des informations sur le site des petits frères qui lui semble « bien organisé. » Et saute le pas avec une bénévole expérimentée de Paris-Ouest à l'hôpital Henri Dunant. «J'ai la foi même si je ne pratique pas et je crois au destin. » C'était une relation quasi familiale La première personne accompagnée après cette redoutable épreuve, fut Jeannine, 89 ans, hospitalisée à la suite de chutes à domicile. Charmante, intelligente, ils descendaient dans le parc par beau temps. Elle s'inquiétait de ses horaires tardifs au restaurant. « Je l'ai visitée deux heures tous les dimanches. Puis deux fois par mois quand une bénévole a pris le relais pour pallier les vacances et les absences. Nous avons déjeuné ensemble. Elle était maquillée, pimpante, en forme, j'ai pris des photos. Quelle belle journée ! On devait réitérer l'expérience. La rudesse de l'hiver m'a empêché de tenir ma promesse. » Elle s'est éteinte le 14 juillet 2010. « C'était une relation quasi familiale. » Il n'a pas assisté à ses obsèques au cimetière de Bagneux : « Trop dur. » A une poignée de jours près, la date de l'enterrement correspondait au premier anniversaire de la disparition de sa maman. C'est sans témoins qu'il rendra hommage à sa protégée à la Toussaint. Depuis il accompagne France, a initialisé en finesse son projet de maison de retraite et assure le suivi. Faire du social mon métier Chadi est hyper investi à la mairie du 16e où il participe deux fois par mois au comité consultatif d'attribution d'allocations d'entraides diverses, en présence du directeur des services sociaux, d'assistantes sociales et d'associations. Il se nourri de stages diffusés par le centre de formation de l'association : « La dépression », « Des repères pour une relation d'aide adaptée », « L'écoute », « Les circuits administratifs. », participe dans le cadre d'un PPE* à la session « Le refus d'aide et/ou de soins » organisée par une fondation célèbre. Le bénévolat ? Il l'énonce le cœur en bandoulière : « Le plus important pour moi désormais, c'est de trouver un sens à ma vie. J'ai découvert l'engagement, le plaisir de donner, de sortir de moi-même, de mon égoïsme. J'aime être sur le terrain au service des personnes accompagnées. La vie est courte, je me trouve limité dans ma cuisine. Mon rêve ? Faire du social mon métier. » Catherine Bretécher * PPE : point Paris Emeraude dont les missions sont accueillir, informer, conseiller, orienter les Parisiens âgés et leur famille.

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