Témoignage

Irina, bénévole à la Fraternité Paris Ouest, accompagne des personnes en situation de précarité

14 mars 2011
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Dans le cadre de l'Année européenne du volontariat-bénévolat, la Fraternité Paris Ouest se propose de faire le portrait de douze de ses bénévoles dont la personnalité illustre la pluralité de l'action bénévole et l'éventail des possibles qu'offrent les petits frères des Pauvres. Un rendez-vous régulier réparti sur les 12 mois de l'année : des profils atypiques, des témoignages authentiques construits comme un album photo. Aujourd'hui, le portrait d'Irina.

Grâce à un don de TF1 à Paris Ouest et à la perspicacité d'une jeune bénévole, Joseph* en situation de précarité a bénéficié d'un confort de vie inespéré. « C'est un beau roman, c'est une belle histoire**» dit la chanson. Pour preuve : au départ, les salariés d'un groupe média souhaitent faire un don à l'occasion des fêtes, et décident de s'adresser au site de solidarité jeveuxaider.com. A l'arrivée du transporteur rue Bridaine, fin 2010, trente-six cartons. Moment que choisit Irina, 27 printemps, pour entrer en scène. C'est presque un défi d'épingler quelques heures cette ravissante aux yeux verts d'origine polonaise, tant son agenda est chargé.Licence de psychologie, master d'ergonomie en poche et première expérience dans la presse gratuite comme chef de projet, elle se met en quête de compléter son cursus universitaire en côtoyant des personnes âgées. France Bénévolat l'oriente vers notre association qui recherche des bénévoles pour Solitud'écoute et des visites à domicile. « J'étais intéressée par l'observation sur le terrain des personnes du troisième âge, de leurs conditions de vie, et de mesurer l'importance du lien social.» Ce sera finalement l'accompagnement de personnes en situation de précarité. Pour aider à comprendre à qui l'on a à faire, Irina rappelle sa famille éparpillée. De son grand-père avocat, elle a retenu l'image d'un papy affectueux, invalide de guerre. Un frère à Berlin, un père en Arizona, une mère qui vend des fringues vintage aux Puces, « dont je bâtis le site Internet ».Un don d'équipement qui tombe à pic A l'ouverture de la pyramide de caisses, un tableau Excel récapitule la nature et le nombre de lots, et permet aux salariés référents de pointer les besoins des personnes accompagnées au quotidien. Couettes et oreillers sont attribués d'emblée. L'occasion pour Irina de jouer « les mères Noël » pour Joseph, qui quitte un hôtel du 17e arrondissement « où il empruntait la clef du local des douches à la réception pour sa toilette hebdomadaire » pour un studio de la résidence La Jonquière, gérée par les petits frères. « L'envoi de TF1 tombait à pic. Son équipement était spartiate précise Irina » qui sélectionna le matériel de première nécessité : draps, couette, oreillers, couvre-lit, lampe de chevet, lecteur CD-radio portable. Et ustensiles de cuisine, vaisselle, couverts Laguiole, linge de table, de maison, de toilette, brosses à dents, cintres à vêtements et porte-manteaux choisis avec Joseph agrémentent son logis depuis décembre dernier. « Mon petit chez moi » me dit-il fier comme Artaban en pénétrant dans son studio blanc avec deux fenêtres ouvertes sur un parc arboré, « avec le chant des oiseaux le matin. »Vendredi 18 février, 8 h. J'accompagne Irina et Joseph au Centre médical Réaumur. Dans le métro Irina soliloque, consciente de l'angoisse de Joseph. Retrouver le Dr H. pour une énième visite en vue de la pose d'appareils dentaires le rend fébrile. Procédures et devis (1.689,53 €) ont été gérés en amont par Irina et le dentiste, comme la prise en charge de l'aide spécialisée aux assurés sociaux dont bénéficie Joseph, 61 ans, en curatelle en raison d'une pathologie psychiatrique stabilisée par un traitement adéquat. De même que l'accord de la Commission des aides sur la base du devis initial et le solde à la charge de l'association. Un accompagnement orchestré par Irina avec un sérieux qui n'a d'égal que l'accompagnement dont elle entoure Joseph. A la sortie de la station Sentier, elle lance : « Je vous laisse vous diriger », manière de l'autonomiser. Dans la salle d'attente, l'imminence des soins provoque l'agitation des mains de Joseph. Au comble de sa frayeur, Irina le complimente sur son rasage, et le rassure : « Aujourd'hui vous ne souffrirez pas, on prend des empreintes ». A l'appel de son nom, il accepte sa présence et part en consultation.Un contrat d'accompagnement pour Joseph Trois jours plus tard, la réunion animée par le salarié CDS*** référent rassemble Irina et Joseph et génère l'élaboration d'un contrat d'accompagnement : « Pour faire un bilan, rappeler le rôle de chacun, se projeter dans l'avenir. Un fil conducteur qui permet d'avancer par étapes » résume Irina désignant le document nominatif formalisant l'entretien paraphé par les protagonistes. Joseph raconte l'inquiétude suscitée par le départ de son ergothérapeute. Irina l'apaise : elle propose de changer le jour du spécialiste pour assister à l'Atelier Bien-Etre, dont il est friand. Joseph résume ses attentes avec humour : « Etre tranquille et peinard dans mes baskets à La Jonquière ». Irina explique l'importance des bains de bouche pour l'ancrage des prothèses sur les dents restantes et son prochain rendez-vous : « Je ne pourrai pas venir, mais vous irez sans moi. » En termes de besoins, elle mentionne la visite chez l'ophtalmologue puis la fabrication de lunettes. Joseph exprime son attente : « Un soutien moral et psychologique lors des rencontres » qui atteste du climat de confiance instauré par Irina. Suit un commentaire sur l'art de se tenir correctement à table, au respect de ce temps de partage et des règles de bienséance qui s'imposent en public, même pour blaguer. La nécessité de respecter les horaires de leur entretien hebdomadaire. Rendez-vous est fixé en juin pour une prochaine réunion tripartite, en faisant le point sur les progrès réalisés.... je fais des rencontres enrichissantes, je développe des liens forts Lorsque j'aborde les bénéfices de son action, elle rebondit : « L'intérêt porté à l'approfondissement du projet personnel des deux personnes dont je m'occupe, acceptées dans leur singularité et leur personnalité, représente un vrai défi. Ce n'est jamais gagnant. Je m'occupe de personnes en situation de précarité depuis deux ans. Mais je garde une certaine distance avec elles en respectant leur individualité. » Elle confirme l'importance du vouvoiement qui confère un certain statut en dépit de leur désocialisation. Insiste sur « la nécessité de prendre le dossier de la personne pendant l'entretien, de le poser devant soi, même sans l'ouvrir. » Autant d'outils qui installent une saine relation d'accompagnement. «J'allège, dédramatise et décrispe. Je suis plus à l'écoute des autres, y compris l'écoute silencieuse. Et puis je fais des rencontres enrichissantes, je développe des liens forts» conclut-elle, lumineuse.Catherine Bretécher* Son prénom a été changé. ** Une belle histoire, Michel Fugain, Sony Music (1972).*** Coordinateur de développement social.

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