Cela fait plusieurs mois que je rends visite à deux dames. Elles ne sont pas dans la même unité mais ont ce point commun de n’avoir quasiment comme horizon que ces murs depuis des années. Il a fallu du temps pour instaurer une confiance, une amicalité qui permet de rester en tête à tête pendant une heure régulièrement. Ce n’est pas à égalité étant donné qu’elles ne connaissent pas mon propre univers.Car chaque chambre en est un, ce sont plusieurs années accumulées dans une pièce. On rentre dans cette intimité et le plus beau c’est qu’elles nous y accueillent, nous qui sommes des inconnus à la base. Des inconnus qu’elles n’auraient jamais connus par un autre biais que par l’Association. Mais ca passe par des conversations légères pour apprendre à se connaître, des moments où dans nos paroles, on tente de montrer qu’elles ne seront pas jugées et qu’elles peuvent se confier… jusqu’à très rapidement passer aux paroles plus profondes sur des souvenirs, des passés parfois pas tout roses. J’ai senti dès le départ une demande. J’ai tout de suite été rassurée sur mon utilité. Je savais que mon temps était bénéfique pour elles.J’entends, de la part des personnes extérieures à qui je parle de mes visites, que ce ne doit pas être facile. Mais ces personnes ne voient pas les rires, les accueils chaleureux, les histoires, les attentions comme ces bonbons proposés de temps à autre. J’écoute, tente de réagir pour faire sortir ce qu’elles ont besoin d’exprimer en essayant de ne pas être indélicate. Parfois, elles n’ont pas la tête à discuter. Alors, je m’adapte. Je vais leur mettre du vernis, regarder la télévision avec elles, laissant les commentaires venir d’eux-mêmes. Etre juste présente, c’est aussi ça les visites avec les petits frères des Pauvres. C’est parfois un travail d’équilibriste quand la relation n’est pas vieille. J’ai été émue, du fait qu’elles se confient à moi. Emue, aussi, par ce qu’elles me racontaient. Je sais qu’en passant la porte, je verrai ce sourire sur leur visage, avant qu’elles me racontent un mal de dos ou de sombres cauchemars, ce même sourire avec plus de tristesse dans les yeux lors de mon départ. Sans compter ces « merci » à répétition, une main dans la mienne, qu’elles me sortent à ce moment-là. J’ai dû plusieurs fois me pousser aux fesses pour que ça ne m’affecte pas trop.J’ai commencé aux petits frères il y a deux ans, avec un souvenir qui m’a profondément marquée. Celui de ces chambres d’une maison de retraite où je travaillais comme auxiliaire de vie le week-end pendant mes études. J’y passais à heure fixe, pour des gestes presque mécaniques. En parlant par petites touches avec certaines personnes, très renfermées après des années sans visite, j’ai réalisé la solitude qu’elles pouvaient ressentir et une demande d’attention, autre que par soins. J’ai tenté d’être plus à l’écoute malgré le manque de temps. Et j’ai vu les évolutions dans leur moral, avec ce semblant d’attention que je leur apportais. J’ai remis de l’humain dans mon travail. Et, en sortant de là, je me suis dit qu’un jour, je leur viendrai en aide uniquement de cette manière. Le soin physique, pour leur dignité et leur intégrité, est essentiel. Ce que leur apportent les petits frères des Pauvres est complémentaire et tout aussi primordial : celui de leur faire prendre conscience qu’ils sont importants, que l’on peut prendre une heure pour eux. Leur permettre aussi d’évacuer des préoccupations, qu’elles soient de l’ordre du quotidien ou de vieux souvenirs qui les hantent. J’ai l’impression d’avoir trouvé exactement cette satisfaction avec les visites à Casanova.J’entends aussi que je fais une bonne action en faisant ce bénévolat. Ces mots reviennent souvent. Je ne vois pas du tout ça comme ça. Car c’est aussi très riche pour moi. C’est le principe des échanges intergénérationnels avec ces souvenirs, ressassés souvent, ces anecdotes que je n’aurais pas entendu dans la bouche des amis de mon âge… Certes, on leur propose une parenthèse à tout ce quotidien. Mais ce n’est pas à sens unique. Avec les semaines qui défilent, une affinité se créé et elles commencent à se soucier du chemin parcouru jusqu’à cette chambre d’hôpital, du temps passé dans une semaine parfois chargée. Et c’est peut-être cela que l’on retrouve dans les sourires en se retournant vers eux avant de franchir la porte. Un mélange de tristesse parce que ça a paru trop court, et une infinie reconnaissance d’avoir été à l’écoute, sans distinction ni condition. Un bulle d’air pour la personne qui reste et un énorme apport humain pour celle qui retourne à son train de vie. Accompagnement de personnes âgées dans la duréePrésents à travers plus de 200 équipes en France, les petits frères des Pauvres recherchent des bénévoles pour accompagner régulièrement des personnes âgées isolées, en situation de précarité ou malades. > Je recherche une mission de bénévolat height= 46 src= http://www.petitsfreres.asso.fr/mediastore/fckEditor/image/visuels-benevolat/mission-benevolat.gif width= 292 />
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