Partager un moment de bonheurCloué dans un fauteuil roulant, il regarde la rose rouge que je lui tends. L’ombre d’un sourire étonné s’esquisse : « Elle est bien jolie votre rose rouge, mais c’est pour moi ? Sûr ? Dans ce cas, pourrais-je avoir plutôt la fuchsia ?» dit-il, la désignant parmi l’éventail des fleurs proposées. «Bien sûr» lui dis-je, la posant dans sa main. Il s’en saisit et remarque : «Comme ça, je verrai la vie en rose, vous comprenez !» «Ah, merci.» ajoute sa femme, «Merci aux petits frères des Pauvres. Vous avez fait un heureux, vous savez. Marcel aime tellement les roses… Hein, Marcel, tu ne t’y attendais pas ?» Et Marcel serre vigoureusement ma paume de ses deux mains noueuses, tout en échangeant un tendre regard avec sa douce assise à ses côtés… Mireille vient tous les jours visiter son mari âgé de soixante-cinq ans, «figé dans son carrosse, loin de l’appartement familial que nous partagions quand tout allait bien» confie-t-elle, la voix nouée, faisant quelques pas avec moi avant de rejoindre son compagnon…Journée internationale des personnes âgées Arrivée au groupe hospitalier Sainte-Périne vers 11 h, j’assiste pour la première fois, en tant que bénévole communication, à la Journée internationale des personnes âgées organisée sous l’égide des Nations-Unis, vendredi 1er octobre 2010. Le stand des petits frères des Pauvres dressé au sein de l’unité gériatrique la plus importante de Paris depuis ce matin par les salariés et les bénévoles volontaires de la Fraternité Paris-Ouest constitue une grande première.Un stand joyeux avec ses gros bouquets de ballons colorés comme des boules de Noël, 700 roses multicolores, un centre de table fleuri, des affiches qui l’encadrent, attendent les visiteurs de l’après-midi. Je rejoins la dizaine de bénévoles, fin prête à offrir aux femmes et aux hommes qui franchiront la double porte qui s’ouvre sur le hall d’entrée une fleur en cadeau pour leur malade.Très vite, j’assiste à un formidable ballet de soignants, qui jouent à fond la convivialité et dirigent, en chaise roulante, à pied, avec des cannes ou des béquilles, des personnes âgées hospitalisées vers le stand autour duquel se presse maintenant beaucoup de monde. Avec ses cheveux blancs floconneux, ses yeux de porcelaine bleue, sa peau rose, Irène, installée sous une montagne de couvertures fixe le bouquet de roses que je tiens à la main. Spontanément, une élégante femme blonde m’invite à approcher : «Venez voir Maman ! Ma petite mère, regarde les fleurs !». Après avoir expliqué que l’association est heureuse en cette journée unique, de lui offrir une rose, Irène se saisit d’un bouton jaune sous les yeux émus de sa fille qui lui chuchote à l’oreille avant de s’éloigner : «Allez Maman, on va lui donner de l’eau.» Autour de moi à présent, les bénévoles s’égaillent dans les couloirs, le parc et l’hémicycle à la rencontre d’autres malades à fleurir dans la bonne humeur. Une trentaine de personnes âgées installées à la buvette de l’établissement toute proche, vont et viennent, une fleur à la main… Certaines hypnotisées, aimantées par ce pôle d’attraction improvisé qui anime l’hôpital aujourd’hui, tandis que d’autres repartent rose en main, incrédules devant «tant de gentillesse gratuite.»Vers 15 h 30, le député du 16e arrondissement, le professeur Bernard Debré, surgit d’un couloir et donne une brève interview soulignant « les valeurs humaines communes du personnel soignant et des bénévoles dans une même démarche face à la souffrance. » Et un joli éclat de rire à la clé lorsqu’il retrouve et étreint confraternellement une de ses anciennes panseuses retrouvée par hasard… Un groupe de médecins se félicitent de «cette belle initiative qui va faire des heureux parce qu’ils vont revivre ces instants magiques pendant plusieurs jours.»Le stock de roses est quasi épuisé. Attablée à la buvette, je discute avec une visiteuse croisée en début d’après-midi et à qui j’ai remis une fleur. Sans savoir qu’elle était destinée au splendide octogénaire coiffé d’un chapeau gris de gaucho installé devant moi. Une lavallière noire aux pointes d’acier embellit son cou. Toute dévouée Marianne, joviale petite femme, m’explique qu’elle remplace l’amie de Luiz qui s’est brisée la cheville lors d’un récent accident domestique. De fait, en plus de visiter une amie, elle s’occupe aussi de ce fier vieillard en fauteuil roulant, « qui a perdu l’usage de la parole ». Elle dispose dans une carafe improvisée en vase, trois roses pour «Luiz, un ancien jardinier exilé sous Franco» qu’elle va ramener bientôt dans sa chambre. Plus tard, lorsque toutes les fleurs seront distribuées aux résidents de Sainte-Périne, la timide Marianne viendra me demander si «je sais ce qu’il va advenir du centre de table du stand.» Et c’est une Marianne, en larmes, débordante de gratitude, qui verra Samia de Paris-Ouest, poser sur les genoux du vieillard au digne visage où coulent deux larmes, le somptueux panier fleuri, «pour qu’il puisse le porter à sa dame de compagnie blessée.»Que de sourires et d’empathie, ont ponctué cette journée ! Sainte-Périne, lieu de soins et de douleurs, mais aussi, en ce 1er octobre, vivier de fraternité et de partage de bonheurs simples. Autant de souvenirs vivaces qu’illustrent les petits frères des Pauvres par leur message, «Des fleurs avant le pain»…Catherine Bretécher
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