Assise dans sa petite cuisine, Solange surveille l’horloge en s’essuyant le front.
Encore quelques heures à attendre et s’il fait moins chaud, elle pourra sortir.
Aujourd’hui, elle est assez en forme pour marcher, mais avec cette canicule, elle se demande si elle va oser s’aventurer dehors...
Elle rapproche encore un peu ses persiennes pour garder la fraîcheur dans son petit studio.
À 88 ans, Solange est en bonne santé pour son âge mais elle redoute chaque année la période de l’été car la chaleur la fait souffrir.
Mais à cette souffrance s’ajoute une autre douleur, plus sournoise et diffuse et qu’elle ne connait que trop bien. Une douleur qui ne la quitte jamais : sa solitude.
Voilà bientôt 15 ans que Solange est veuve. D’années en années, les amis avec lesquels elle jouait parfois aux cartes, papotait autour d’une tasse de thé, sont partis ou se sont tout simplement éteints. Alors, petit à petit, la sensation d’être isolée est devenue son quotidien.
Et lorsqu’arrive l’été, elle se sent encore plus seule au monde.
Son quartier ressemble à un désert. La pharmacie, le boulanger... La plupart des commerçants au bas de son immeuble sont fermés. Sur la devanture des magasins, toujours ces quatre mots : « Fermeture pour congés annuels ».
Fort heureusement, dans ce désert de solitude, Solange sait qu’elle existe encore pour quelqu’un.
Quelqu’un qui ne va pas tarder à sonner à sa porte, quelqu’un sur qui elle peut compter chaque mercredi et chaque samedi : son Lionel, son bénévole des Petits Frères des Pauvres !
Et lorsque Lionel s’installe sur le tabouret de la cuisine, Solange pousse un grand soupir de soulagement. Elle est si contente d’avoir de la visite. Elle lui prépare un petit café pendant que Lionel s'inquiète de savoir si elle a bu assez d'eau et mangé aujourd'hui.
Quelle joie d’avoir des nouvelles du dehors, quelle joie de se sentir écoutée... Solange s’anime et agite un éventail devant son visage pour se faire un peu d’air.
Lionel a l’œil qui brille car il a une surprise pour Solange.
« Qu’as-tu apporté là dans ce carton ? C’est pour moi, ça ? »
Solange est si émue en ouvrant son cadeau : un ventilateur portable ! Quelle bonne idée par cette chaleur. Solange ne peut s’empêcher d’embrasser Lionel.
Elle a retrouvé son charmant sourire.