Qu'est-ce qu'une mise sous tutelle ?
Tutelle : définition
La tutelle est une mesure judiciaire destinée à protéger une personne majeure et/ou tout ou partie de son patrimoine lorsqu’elle n’est plus en état de veiller seule sur ses propres intérêts. Le juge des contentieux de la protection, qui siège au tribunal judiciaire, nomme un tuteur. Le tuteur représente la personne dans les actes de la vie civile. Le juge peut aussi définir, au cas par cas, les actes que la personne peut encore réaliser seule.
« La mesure doit intervenir lorsque aucune autre solution n’a été trouvée, tel est l’esprit de la loi, détaille Sylvie Lattanzi, spécialisée dans la Santé – Démocratie sanitaire – Protection juridique des personnes dans l’association Les Petits Frères des Pauvres. Souvent, cette mesure vient pallier une défaillance des liens familiaux, combler des manques de soutien à domicile lorsque la personne ne peut préserver son autonomie par ses propres moyens.»
Quelles différences entre tutelle et curatelle ?
La tutelle est la mesure de protection juridique la plus contraignante : la personne protégée est représentée par un tuteur pour la majorité des actes de la vie civile. Elle ne peut administrer ni disposer seule de son patrimoine, sauf décision contraire du juge.
Sous curatelle, la personne âgée reste autonome pour les actes de la vie quotidienne : elle peut gérer seule ses dépenses courantes, régler ses factures ou signer des contrats simples.
En revanche, pour les décisions qui engagent son patrimoine — comme la vente d’un logement, la souscription d’un prêt ou une donation — elle doit être assistée de son curateur.
Cette mesure vise à protéger sans déposséder : le juge des contentieux de la protection détermine précisément les actes pour lesquels l’assistance du curateur est nécessaire. Selon la situation, il peut s’agir d’une curatelle simple, aménagée ou renforcée.
En France, en 2024, plus de 700 000 majeurs bénéficient aujourd’hui d’une mesure de protection juridique (curatelle ou tutelle). La curatelle demeure la mesure la plus fréquemment prononcée, suivie de la tutelle, réservée aux situations d’altération plus sévère des facultés personnelles.
Les différents types de curatelle
Il existe plusieurs types de curatelle, simple, aménagée ou renforcée. Chaque type de tutelle est décidé par le juge des contentieux de la protection fixe (anciennement juge des tutelles) en fonction de l’évaluation des capacités de la personne à protéger ses intérêts.
- La curatelle simple s’applique lorsque la personne a besoin d’être assistée uniquement pour les actes les plus importants de la vie civile.
Elle peut continuer à effectuer seule les actes dits « d’administration courante » : régler ses dépenses habituelles, signer un bail, gérer son compte bancaire du quotidien.
En revanche, elle doit être assistée de son curateur pour les actes de disposition : vente ou achat d’un bien immobilier, ouverture d’un crédit, donation, ou placement d’épargne à long terme. - La curatelle aménagée est une mesure sur mesure.
Le juge détermine précisément, dans le jugement, quels actes la personne peut accomplir seule et lesquels nécessitent l’assistance du curateur.
Cette formule permet d’adapter la mesure à la situation particulière de la personne, selon son autonomie et ses besoins. - La curatelle renforcée s’applique lorsque la personne a besoin d’un accompagnement plus étroit, notamment pour la gestion de ses ressources.
Dans ce cas, le curateur perçoit les revenus de la personne (pension, salaire, allocations) et règle directement les dépenses à partir d’un compte ouvert au nom de la personne protégée.
Le curateur rend compte régulièrement de sa gestion au juge des contentieux de la protection et au greffier du tribunal judiciaire.
Les différents types de tutelle
La tutelle est une mesure modulable. Le juge des contentieux de la protection peut décider que le tuteur représentera la personne pour la plupart des actes de la vie civile, y compris la gestion de son patrimoine. Le juge peut aussi prévoir que la personne garde une marge d’autonomie pour certains actes courants. Cette adaptation figure dans le jugement.
Dans quel cas faut-il demander une mise sous tutelle pour une personne âgée ?
Avant d’aller jusqu’à la tutelle, le juge peut par exemple prononcer une sauvegarde de justice, mesure temporaire et ciblée, ou une curatelle, qui laisse plus d’autonomie. Dans certain cas, l’habilitation familiale permet de confier la représentation de la personne à un proche, avec un contrôle judiciaire plus léger. La personne peut aussi avoir anticipé grâce à un mandat de protection future rédigé de son vivant, qui désigne à l’avance la personne chargée de la représenter
« À partir du moment où on constate une altération des facultés, ainsi qu’un certains nombres de premiers signaux faibles », la tutelle peut être une option à considérer, indique Sylvie Lattanzi. « Ce que vont observer les bénévoles des Petits Frères des Pauvres, c’est une personne qui peut commencer à oublier des choses. Il n’y a pas forcément une atteinte cognitive, mais le cas classique est qu’une personne ne distingue plus très bien les quantités, les proportions, ou ne comprend plus la valeur de l’argent. La personne âgée peut aussi être en difficulté pour parler aux interlocuteurs, ou ne plus être capable d’aller au supermarché du coin sans se perdre, sans oublier comment rentrer chez elle. »
La demande passe par un dossier adressé au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire. Ce dossier comprend le formulaire Cerfa n°15891*03 et un certificat médical circonstancié rédigé par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République.
« Certaines personnes se rendent compte elles-mêmes qu’elles sont affaiblies. Elles peuvent alors saisir le juge des contentieux de la protection en exprimant leur désir d’être protégées. »
De quoi éviter des risques d’abus de faiblesse, avec des personnes qui instrumentalisent les personnes vulnérables pour leur propre bénéfice.
Mise sous tutelle d'une personne âgée : qui peut être le tuteur ?
Le tuteur désigné peut être un membre de la famille, une personne qui sera désignée par le juge au vu de l’intérêt que porte ce proche à la personne âgée, une association tutélaire ou même un mandataire privé. « La personne doit se sentir respectée, estime Sylvie Lattanzi. C’est ce qui fait parfois toute la différence dans l’acceptation d’une tutelle. »
En cas de difficulté avec le tuteur (négligence, abus), il est possible de saisir à nouveau le juge des contentieux de la protection pour demander un changement de tuteur.
Quelles démarches effectuer pour la mise sous tutelle d'une personne âgée ?
La demande de mise sous tutelle est adressée au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire, via le formulaire Cerfa n°15891*03. Cette demande peut être déposée par la personne concernée elle-même, par son conjoint, partenaire de PACS, concubin, par un membre de la famille ou par toute personne ayant des liens étroits et stables avec elle, ou par le procureur de la République. Le dossier doit obligatoirement inclure un certificat médical circonstancié établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur. Le juge entend ensuite la personne concernée (sauf impossibilité médicale), puis rend sa décision.
Le juge privilégie autant que possible un proche (conjoint, enfant, membre de la famille) comme tuteur. Si ce n’est pas possible ou pas souhaitable, il peut désigner un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (association tutélaire ou professionnel). La personne sous tutelle conserve ses droits fondamentaux, dont le droit au respect de sa dignité et le droit de vote.
Quelle est la durée d’une tutelle ?
La tutelle n’est pas illimitée. Le juge fixe une durée, en général jusqu’à 5 ans maximum. Il peut aller jusqu’à 10 ans si l’état de santé de la personne ne peut pas s’améliorer selon l’avis médical. La mesure peut ensuite être renouvelée, mais jamais au-delà de 20 ans au total.