L’Homme étoilé : Il s’agit d’une phrase inspirée d’un titre d’un livre de la psychologue Marie de Hennezel, « Ceux qui vont mourir nous apprennent à vivre ». Rien que ce titre est merveilleux car c’est le constat que je fais au quotidien. Côtoyer la mort et les mourants d’aussi près vous fait reconsidérer votre rapport à la vie, au vivant, aux petits tracas du quotidien et vous donne l’envie de vivre la vie pleinement. Cela rend aussi plus philosophe par rapport aux petits soucis parce qu’on se rend davantage compte combien la vie est fragile, on sait que la maladie et la mort brutale peuvent venir la rompre à tout moment.
C’est donc d’autant plus important de la célébrer, de se recentrer sur l’essentiel, sur notre rapport à l’Autre. C’est ce que je voulais raconter dans l’épilogue : quand je quitte mon service de soins et que je rentre à la maison, c’est un bonheur de retrouver ma fille et ma compagne. De vivre intensément ces moments qui sont à nous.
Côtoyer la mort et les mourants d’aussi près vous fait reconsidérer votre rapport à la vie
Le fait de côtoyer d’aussi près ces patients a rendu cela possible pour moi. Peut-être que si j’avais fait un autre métier, je serais quelqu’un de moins philosophe, de plus plaintif, râleur…
4- Petits Frères des Pauvres : Côtoyer au quotidien la maladie, la mort, des patients et des familles aux vies brisées : cela n’a pas obscurci votre vision de la vie ?
L’Homme étoilé : Ce n’est pas une source d’anxiété pour moi, c’est une leçon. Cela m’a justement fait prendre conscience à quel point la vie était fragile et combien il fallait en profiter. Dans l’intervalle, le fait d’être devenu père a redoublé cette prise de conscience. Aujourd’hui, je ressens le besoin d’être présent pour mon enfant, d’en profiter et surtout de le mettre à l’abri.
J'ai pris conscience à quel point la vie était fragile et combien il fallait en profiter.
Petits Frères des Pauvres : Si je vous demande 3 leçons que vous ont appris vos patients en fin de vie, quelles seraient-elles ?
L’Homme étoilé :
- Aller au bout de ses rêves tant qu’il est encore temps. C’est la véritable première leçon. Dans la BD, je raconte l’histoire d’un patient qui m’a beaucoup touché car c’était ma toute première confrontation à l’échec thérapeutique. Nous avons beaucoup échangé ensemble et je me souviens que nous avions plusieurs rêves en commun. Notamment celui d’aller en Norvège. Il avait projeté toute sa vie d’y aller et il n’avait cessé de reporter cette échéance à plus tard. Moi qui avais ce rêve aussi, j’ai pris conscience que la maladie pouvait vous tomber dessus et ruiner vos rêves… Cela m’a mis dans l’urgence d’être plus déterminé, d’œuvrer à mon bonheur et à la réalisation de mes rêves.
- Rester positif. Lorsqu’il y a des situations qui me tombent dessus, j’essaie de me débrouiller pour ne pas me noyer dans ce que je vis et pour toujours trouver la lumière au bout du tunnel. J’essaie d’être constamment dans une démarche positive et optimiste. J’ai vraiment cette pulsion de vie qui fait que j’essaie toujours de trouver la solution, de rester pragmatique. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir non ?
- Soyons humbles. Face à la maladie et au monde dans lequel on vit, il est facile de se plaindre et de sombrer dans une certaine forme d’aigreur. Dans mon service, je vois beaucoup de personnes qui n’ont pas été gâtées par la vie ou qui se retrouvent aux derniers instants de leur vie bien plus tôt qu’elles ne l’auraient crû… pour autant, elles continuent à aimer l’Homme, la nature et le Vivant avec beaucoup d’humilité. Je pense que cela m’encourage à conserver aussi cette forme d’humilité.