Combattre l'âgisme à Toulouse

12 juin 2009
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C'est un fait : Virginie Vallières, 24 ans, étudiante en psychologie à Toulouse, se préoccupe depuis longtemps du sort des personnes âgées. Outre qu'elle se dit très proche de sa grand-mère de 77 ans, au collège Virginie, déjà, avait « tendance à aller facilement vers [les aînés] ». Il suffit d'un sourire, assure-t-elle, pour engager la conversation, pour « discuter simplement, le temps d'un trajet de bus… ».

 
Virginie - bénévole étudiante en psychologie à Toulouse.
 
Quelques années plus tard, en 2004, Virginie fait connaissance avec les petits frères des Pauvres à la faculté de Toulouse - Le Mirail, à l'occasion d'une journée des associations. Elle est interpellée par les affiches « très percutantes et assez pertinentes » : « j'ai pris un tract et j'ai sauté le pas… » C'est ainsi que la candidate au Deug de psycho, qui éprouvait le besoin de donner de son temps, a choisi l'accompagnement à domicile parmi les missions que lui proposaient les petits frères : « J'avais envie de ce contact direct avec les personnes ».
 
Néanmoins, lors des premières visites, Virginie avoue avoir ressenti une certaine appréhension. Marie-Josèphe, l'une des référentes de l'accompagnement à domicile, fait les présentations chez Monique.
« On se dit : est-ce que le contact va bien passer ? Est-ce qu'il va y avoir une certaine complicité ? ».
Un peu en retrait, Virginie observe, se demande si elle sera à la hauteur. Les doutes se dissipent lors de la deuxième rencontre : « Monique m'a très bien accueillie et me considère presque comme sa petite-fille ». À Toulouse, comme dans bon nombre d'implantations des petits frères, le mode d'accompagnement à domicile est pluriel : trois bénévoles accompagnent trois personnes âgées, ce qui permet de mutualiser les savoir-faire des bénévoles, de diversifier et d'enrichir les relations proposées aux personnes âgées et de préserver les unes et les autres d'une relation trop exclusive.
 
Virginie accompagne Monique, 80 ans, qui réside à Empalot, « un quartier un peu chaud », et qui se déplace difficilement, ainsi que Réjane, pensionnaire d'une maison de retraite. Deux relations qui ne se sont pas établies sur le même mode. La jeune femme parle davantage d'elle-même et de ses études avec Réjane, curieuse de tout et surtout de la vie aujourd'hui : « Elle écoute les infos et aime beaucoup tout ce qui est débat. Elle me demande mon avis. Je me souviens d'avoir parlé des manifs anti-CPE1 C'est une femme qui n'a pas l'esprit fermé. ».
 
Avec Monique, « c'est un autre échange ». Virginie est davantage à l'écoute, plus dans l'empathie avec cette personne « qui a vécu des choses pas faciles », a connu un certain nombre de ruptures, et en reste marquée, malgré sa force de caractère. « On discute de choses en général, ce qui l'amène à parler d'événements plus personnels… » Monique, « qui éprouve le besoin de s'épancher », est toujours partante pour se joindre aux sorties proposées par l'association : « Je l'accompagne aux fêtes comme Noël ou la fête du Printemps », explique Virginie qui reconnaît une certaine proximité entre elles deux, « un rapport plus affectif ».
 

La souffrance de l'exclusion

Quoi qu'il en soit, ces deux accompagnements s'accomplissent dans la fluidité relationnelle : « Jusqu'à présent, je n'ai jamais éprouvé de difficultés et je ne me suis pas sentie mal à l'aise. ». Bien plus, cette expérience renforce sa conviction qu'elle a fait le choix du bon cursus en se spécialisant en
« gérontopsychologie ». À dire vrai, si elle essaie de faire la part des choses entre son activité de bénévole et ses études, Virginie se sent complètement concernée par la situation des personnes âgées et plus précisément l'« exclusion » dont elles sont victimes dans la société actuelle. La prise de conscience, venue graduellement, est à l'origine de ce qu'il faut bien appeler sa « vocation » : « Les personnes âgées ne tiennent plus le rôle social ou la place qu'elles pouvaient avoir auparavant… ». Cette relégation choque l'étudiante, qui n'a pas hésité à faire un mémoire sur un sujet tabou : l'augmentation du taux de suicide chez les personnes âgées.
 
On évoque beaucoup le suicide des adolescents, mais pas de celui des aînés, alors que les statistiques sont inquiétantes, insiste-t-elle. Pourtant, les personnes âgées souffrent aussi. Leur mal-être ne diminue pas en intensité à mesure qu'elles avancent en âge, s'indigne-t-elle. « Ça me choque qu'on ne puisse pas prendre en compte cette souffrance-là, sous prétexte que la personne aurait fait sa vie », dit-elle, évoquant les très beaux portraits de l'exposition « Longues Vies », organisée par la fraternité toulousaine en avril 2006, à l'occasion du 60e anniversaire de l'association. Elle se souvient d'un regard qui l'a vraiment bouleversée, parce qu'il exprimait totalement cette détresse, « la souffrance de l'exclusion, ce besoin de ne pas être seul », et donnait à voir « une personne qui a vécu, a des choses à raconter, à transmettre… », « Une personne âgée, c'est comme un livre ouvert, que malheureusement on aurait tendance à laisser s'empoussiérer. C'est ce que dit mon père, et cette image me parle, affirme-t-elle. Dans certaines tribus, le plus âgé c'est le sage, l'homme qui a tous les savoirs. Et je trouve tellement dommage qu'on ne lui accorde pas le même statut ici. Au lieu de cela, on la laisse de côté ! ».
Voilà qui conforte l'étudiante dans ses motivations et son engagement auprès des petits frères. Quant à son investissement professionnel, le chemin est tout tracé : elle entend bien combattre l'« âgisme », à savoir la discrimination fondée sur l'âge qui disqualifie les aînés. Et aussi contribuer à comprendre leur mal-être. Plus tard, quand elle aura acquis une certaine expérience, elle se voit bien monter une maison de retraite : « J'ai déjà trouvé le nom : “La Renaissance”. ».
 
1. Le contrat première embauche (CPE) à destination des moins de 26 ans, proposé par le gouvernement Villepin le 16 janvier 2006, a suscité une vive opposition et a dû être retiré à l'issue de grèves prolongées dans les universités.
 

EN SAVOIR +

QUELLE ACTION ?

Accompagner dans la durée une personne dans son lieu de vie, pour tenter de lui faire oublier son isolement et lui exprimer un soutien, l'assurer d'une présence au-delà du temps de visite.
 

OÙ ?

 

RÉSEAUX MOBILISÉS

L'accompagnement est un projet collectif qui se mène en concertation avec les partenaires sociaux et médicaux intervenant auprès des personnes et plus spécifiquement les réseaux de soignants et animateurs des établissements de long séjour et ceux des municipalités concernées.
 

QUALITÉS INDISPENSABLES

Développer un sens de l'écoute, une pédagogie de la présence et une réelle motivation qui permet de s'investir dans la durée. Avoir une certaine capacité à approfondir son engagement par le biais des formations proposées par l'association. Devenir bénébole : https://www.petitsfreresdespauvres.fr/devenir-benevole.

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