Isolement et mal-logement, la double peine pour les personnes âgées ?

30 janvier 2020
Rapport Fondation Abbé Pierre : mal-logement et isolement des personnes âgées

Isolement et mal-logement, deux phénomènes qui s'aggravent mutuellement. © Jean-Louis Courtinat / Petits Frères des Pauvres

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Dans son nouveau rapport « L’état du mal-logement en France 2020 » (30/01/2020), la Fondation Abbé Pierre décrit les publics touchés par le mal-logement et en analyse aussi les possibles causes. Alors qu’il apparaît clairement que l’isolement social aggrave et fait perdurer le mal-logement, les Petits Frères des Pauvres décryptent ces deux phénomènes intimement liés…

Tout au long du 25e rapport de la Fondation Abbé Pierre « L’état du mal-logement en France 2020 » dévoilé ce 30 janvier 2020, il apparaît de façon très visible qu’isolement et mal-logement sont deux phénomènes souvent liés qui se renforcent mutuellement : l’un est à l’origine de l’autre et inversement…

Les ruptures familiales, l’une des causes du mal-logement

Selon l’enquête logement 2013 de l’Insee, les personnes qui vivent seules sont plus touchées par le mal-logement que la moyenne. Ainsi, 22 % des personnes vivant seules sont mal-logées ou fragilisées, contre 20 % des couples avec enfant(s) et 10 % des couples sans enfants. Ces difficultés sont très importantes pour les familles monoparentales, qui représentent la catégorie la plus pénalisée, avec 41 % de ménages mal-logés ou fragilisés.

Parmi les personnes seules, on dénombre celles qui le deviennent après une séparation ou un deuil. Pour les divorcés, un parcours difficile peut les attendre. Alors que le couple doit se séparer de son logement commun, il subit généralement une baisse de revenus sans parler de la souffrance psychologique due à la rupture. C’est le cas de Jacques, 65 ans, qui après avoir connu la rue habite désormais l’une des pensions de famille des Petits Frères des Pauvres. Il témoigne dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre : « J’avais le travail, le pavillon, la voiture. J’ai connu une dame, on n’était pas mariés. Mais ça a vite dégénéré. (…) Et un jour je suis revenu et elle était partie. (…) ». Après sa séparation et le placement de son fils, Jacques a dû vendre sa maison et partir vivre chez ses beaux-parents. Il tombe rapidement en dépression. « J’avais vendu ma maison et je n’avais plus de points de repères » dit-il.

Quant aux personnes veuves, elles sont 4 millions en 2018. En raison de leur espérance de vie plus longue, les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans cette situation. Le veuvage constitue la majorité des situations de mono-résidentialité dans le grand âge et, comme la démographe Michèle Dion le remarque dans l’ouvrage « Isolement et solitude des personnes âgées : vieillesses isolées, vieillesses esseulées ? » : « si le décès du conjoint laisse le survivant généralement dans la peine, à cette peine s’ajoute bien souvent, pour les veuves, une situation de grande précarité. (…) À leur chagrin s’ajoutent les tracasseries administratives en tout genre, la question des droits de succession et l’ignorance du montant de ce qu’elles toucheraient par mois. Cette insécurité oblige à un repli sur soi ». 

Les personnes âgées propriétaires de leur logement doivent aussi assumer seules les dépenses du quotidien mais aussi l’adaptation de leur habitation à leur perte d’autonomie. 

J’avais vendu ma maison et je n’avais plus de points de repères

Le mal-logement, cause de l’isolement

Enfin, quand l’isolement n’est pas à l’origine du mal-logement, le mal-logement peut pousser certaines personnes à se couper de leur entourage. En effet, face au mauvais état, à l’étroitesse ou à l’insalubrité de leur habitation, nombre d’entre elles font part d’un sentiment de honte à l’idée de montrer leur logement à leur proches et se résignent à ne plus recevoir chez elles, selon la Fondation Abbé Pierre. Peu à peu, elles se replient sur soi.

Par ailleurs, il semblerait que face au manque de logements sociaux, de nombreuses injonctions à la mobilité leur soient opposées dans leurs démarches d’accès à un logement, les isolant peu à peu de leur famille en les forçant à changer de département ou de région pour obtenir un foyer. 

Isolement et mal-habitat 

Dans leur 3e rapport consacré aux liens entre solitude, isolement des personnes âgées et territoires (septembre 2019, CSA), les Petits Frères des Pauvres montrent notamment que l’habitat est au cœur des problématiques d’isolement, de solitude et de précarité. Selon l’endroit où vous habitez, votre isolement sera différent : en zone urbaine, l’isolement est aggravé par des solidarités et des relations de voisinage amoindries avec 50 % des Français de plus de 60 ans des grosses agglomérations qui n’ont pas de contact régulier avec leurs voisins. En zone rurale, les solidarités sont plus fortes mais c’est le manque de services du quotidien et de transports qui renforce l’isolement : 70 % des personnes interrogées habitant en zones rurales considèrent que les gens sont solidaires entre eux mais pour 62 % d’entre eux, les services publics sont de moins en moins accessibles. 

C’est pas facile de voir son quartier changer. Avant, je connaissais tout le monde. Maintenant, je connais plus personne. ​

Et au-delà du mal-logement qui crée de l’isolement, on peut même parler de « mal-habitat » : quand elles sont dans un environnement qui ne les satisfait pas ou qui ne leur permet plus de vivre leur quotidien (raréfaction des commerces et services de proximité, manque de transport…). Comme Louise, 88 ans, à Chelles : « C’est pas facile de voir son quartier changer. Avant, je connaissais tout le monde. Maintenant, je connais plus personne. J’aimerais bien pouvoir bavarder avec des voisins. Là, je suis toujours toute seule. ». Dans les Quartiers Politique de la Ville, le risque d’isolement est d’autant plus fort pour les personnes âgées car elles sont moins attachées à leur logement (41 % vs 57 % en moyenne nationale) et à leur commune (27 % vs 43 % en moyenne nationale. C’est le cas d’Aline, 81 ans, qui vit à Saint-Denis : « Saint-Denis, ce n’était pas le bon endroit pour y vivre. (…) Mon logement ne me plaît pas. Ici, je suis malheureuse comme une pierre. Il y a beaucoup d’agressivité, d’insécurité, même ici, dans l’immeuble. »

À l’issue du rapport, les Petits Frères des Pauvres ont émis plusieurs préconisations concernant l’habitat, comme favoriser les projets d’habitat intergénérationnel qui impliquent les jeunes et les aînés ou encore développer l’habitat temporaire en milieu rural mais aussi de leur permettre d’améliorer leur quotidien : accès aux commerces, services etc.

 

 

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