Pascale Clark : J’ai eu envie d’écrire Mute lorsque j’ai réalisé le parallèle entre le sort de ma maman et le mien. Nous avons toujours été très proches toutes les deux et elle m’a toujours écouté à la radio. Lorsque j’ai quitté France Inter dans des circonstances un peu brutales, j’ai réalisé après coup que cela correspondait au moment où elle-même perdait la parole. Elle était atteinte d’une maladie neurologique dégénérative donc elle a passé les dernières années de sa vie dans un lit, et sur la fin particulièrement, je me suis beaucoup occupée d’elle.
C’est à la fois un livre sur la parole avec d’un côté mon expérience à la radio et de l’autre, l’occasion de parler de cette génération de femmes, nées dans les années 30, qui n’ont jamais vraiment eu la parole dans leur vie.
Cela m’a permis de décrire aussi - parce que j’y ai été confrontée- la vieillesse et la façon dont les personnes âgées, au bout d’un moment, n’intéressent plus du tout le monde. J’ai trouvé ça très choquant, et encore, j’ai écrit le livre avant la crise du Covid-19 où nous avons vu des horreurs !
Pascale Clark : Le parallèle a continué : à partir du moment où je n’étais plus à la radio, je n’intéressais plus vraiment et elle, petit à petit, il n’y avait plus grand monde pour venir la voir. Bien sûr, chacun a sa vie (ce ne sont pas des accusations que je lance) et on oublie souvent que nos aînés ont des trésors en eux ! On met les personnes âgées au ban de la société et ça me révolte ! Aujourd’hui, on vit de plus en plus longtemps et on est vieux de plus en plus jeune, c’est bizarre… Pourtant, les personnes âgées ont tellement de choses à apporter. J’avais monté une série de podcasts pour « BoxSons » où nous faisions parler les personnes âgées. D’une dizaine d’épisodes, cela s’appelait « Mémoire Vive » et c’est passionnant à écouter car cette mémoire-là doit se transmettre. La transmission, c’est fondamental. Ma mère a réchappé de la rafle du Vél d’hiv et je n’ai jamais vraiment eu l’occasion d’en parler avec elle : évidemment l’histoire circulait dans la famille mais je n’ai pas trouvé de moment idéal pour aborder le sujet.
Pascale Clark : Ce qui s’est passé dans les Ehpad était horrible. De nombreuses personnes âgées sont mortes seules, c’est terrible ! J’imagine qu’elles ont dû se sentir mises au ban de la société : non seulement elles étaient confinées dans des établissements mais en plus, elles sont mortes seules… Lorsque le temps sera venu d’analyser cette crise et de prendre du recul, nous ne serons pas fiers de nous.
on oublie souvent que nos aînés ont des trésors en eux !
Pascale Clark : J’ai le sentiment que rien ne va. Encore une fois, ce sont des personnes qui ont des trésors en elles et nous ne les écoutons pas, nous ne leur donnons plus la parole. Il n’y a plus de rôle pour elles. C’est le cas dans les entreprises : il faut des plus jeunes et des plus âgés car chacun peut apporter à l’autre. Il y a aussi souvent de très belles relations entre grands-parents et petits-enfants par exemple. De plus en plus me semble-t-il, on juge les personnes sur leur âge, et au bout d’un moment, c’est comme si vous deveniez un poids pour la société !
Et surtout, il persiste un vrai problème autour de la fin de vie : nous vivons de plus en plus longtemps et en relative bonne santé mais peu de solutions existent. Dans le livre, j’explique avoir tout fait pour tenir une promesse à ma mère : celle de ne jamais la placer en Ehpad.
Pascale Clark : Il s’agissait d’une crainte partagée. Ma mère était très moderne et elle sympathisait souvent avec des jeunes alors je pense que l’Ehpad n’était tout simplement pas fait pour elle. Il n’y a rien de tel que d’être chez soi ! On pourrait tenter de maintenir les personnes âgées à domicile. On en parle régulièrement mais rien n’avance ! Je crois que c’est une sorte de mort avant l’heure de confiner ensemble, dans ces lieux qui sont pour certains à but lucratif, avec un personnel en manque d’effectif, des personnes âgées qui ne sont qu’entre elles. Dans ces conditions, tout le monde souffre…
Pascale Clark : J’ai toujours aimé mes grands-parents (rires). J’ai toujours aimé les personnes âgées que je regarde avec respect. Ils ont tellement de vie en eux !
Mais je n’avais pas envie de m’engager tout de suite, car j’avais déjà des choses à régler avec moi-même. Pour l’avenir, on verra…
Infos pratiques :
Mute
Pascale Clark
Editions Flammarion
Paru le 19/02/2020
18 €