Témoignage

Témoignage de Thierry, nouveau bénévole de la Fraternité Accompagnement des Personnes Malades

17 décembre 2011
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''A chaque fois, c'est une page blanche. Je ne sais pas ce que je vais écrire, ni même si je vais écrire quelque chose''

Peux-tu décrire le cheminement qui t'a amené à faire du bénévolat ? Je n'avais jamais fait de bénévolat avant de m'engager avec les petits frères des Pauvres dans l'accompagnement des personnes malades. Je dirais que, le cheminement, il a commencé quand je suis arrivé à Paris, il y a 6 ans. Je suis lyonnais, et ça a beau être une grande ville, je n'avais jamais été confronté à une réalité sociale aussi violente :  à Vincennes, près du bois, il y a des SDF qui errent, parfois qui meurent d'abandon, de froid, de solitude. Ca c'est la prise de conscience. Et puis un jour  j'ai senti comme une urgence et je me suis dit : non, ce n'est pas possible de ne pas avoir une action citoyenne auprès d'une association. Qu'est-ce qui a motivé ton choix de faire du bénévolat d'accompagnement de personnes âgées gravement malades et en fin de vie ? Au début, je suis allé sur internet, et je suis tombé sur le site des petits frères des Pauvres. J'ai vu la proposition de participer à un Noël. Je me suis inscrit, et j'ai participé avec la Fraternité Paris Saint Maur qui est dédiée aux personnes en situation de grande précarité, à cette magnifique action de solidarité qui s'est déroulée un 24 décembre à l'hôtel de ville de Paris. Ce retour à la vie, ça modifie ton regard sur toi, sur les autres, sur ta vie. Cette action ponctuelle m'a donné envie de continuer, aux côtés de ceux qui en ont le plus besoin.  Alors pourquoi avoir choisi cet accompagnement ? Il y a eu un virage à 180° dans ma vie, il y a plus de 20 ans maintenant. J'ai eu un accident de voiture. Coma, 2 ans de rééducation.  Ce retour à la vie, ça modifie ton regard sur toi, sur les autres, sur ta vie. Ainsi, j'ai tenu à être là quand mes grands-parents sont décédés. Avant, je ne crois pas que j'aurais su « être là » dans ces moments. Comment se sont déroulés tes premiers accompagnements ? Les avais-tu imaginés auparavant ? En as-tu retiré des enseignements ? J'ai d'abord pris conscience de façon très forte que je rentrais dans l'intimité des personnes, et qu'elles ne disposaient pas de beaucoup de moyens de dire « non, tu n'entres pas ». Bien-sûr, je tape à la porte de la chambre, mais il n'y a pas forcément de réponse. Et je franchis une porte que je n'aurais peut-être pas franchie si la personne avait été en mesure de décider. On est vraiment dans la situation délicate d'une personne en bonne santé face à une personne affaiblie par la maladie. Je ressens le besoin de ne pas m'imposer, de m'accorder de façon respectueuse à ce que la personne manifeste, si elle manifeste quelque chose. Il faut être disponible intérieurement pour faire des rencontres J'ai pris conscience aussi qu'entrer dans une chambre, c'est se dépouiller de l'extérieur. Ca nécessite comme une préparation personnelle avant d'y aller. Je me souviens qu'une fois, je rentrais d'une tournée internationale, et je n'avais pas déconnecté. Ca ne s'est pas bien passé, je ne suis pas entré en lien. Cette démarche d'accompagnements à l'hôpital, qui est devenue régulière, nécessite pour moi une préparation intérieure à renouveler à chaque fois.  Il faut être disponible intérieurement pour faire des rencontres. Un choix à respecter, et qu'il faut arriver à décrypter Ce que je voudrais dire aussi, c'est qu'on n'est pas à l'abri des surprises. Je pense à une personne maintenant décédée que j'ai vue 3 fois, sur un laps de temps court, sur 3 semaines. Elle était dans un non désir. Elle m'a donné le sentiment, sans qu'elle l'exprime, qu'elle voulait être seule et tranquille pour mourir. Ca, je ne l'avais pas imaginé, mais c'est un choix à respecter et qu'il faut arriver à décrypter. Tout comme je n'avais pas anticipé qu'elle allait bientôt mourir. Ca m'a marqué, cette imprévisibilité. Comment se passent tes rapports avec le corps médical et soignant ? Ils sont hyperactifs, ils ont peu de temps. Les choses vont très vite. Il faut arriver à les choper quelque part. Faute de temps, ils ne sont pas tous coopératifs. J'ai compris que c'était à moi d'aller vers eux et de repérer les infirmières ou les internes «  ressource » qui vont te donner l'info pour diriger ton accompagnement vers les patients qui en ont le plus besoin. As-tu été amené à croiser, au chevet des personnes que tu accompagnes, la famille de ces dernières ? Est-ce que ton bénévolat d'accompagnement te semble pouvoir s'étendre aux proches des personnes malades et en fin de vie ? On se retrouve à vivre des situations qu'on n'avait pas imaginées. Comme cette épouse d'un patient que j'avais déjà visité plusieurs fois, et que je sentais jalouse de ma présence. Ou encore cette femme révoltée par la maladie de son mari, qui n'acceptait pas son hospitalisation. Quelque part, c'est elle qui a le plus bénéficié de ma présence. Je l'ai laissée exprimer sa révolte, et elle a sorti toute sa hargne. Parce que je l'ai écoutée, elle n'avait pas de prise pour continuer. Je crois qu'elle a senti la possibilité d'une autre manière d'être avec les autres. Te sens-tu suffisamment « accompagné » et aidé par la Fraternité Accompagnement des Personnes Malades ? Ta formation te paraît-elle suffisante ? Les occasions d'échange («transmissions» téléphoniques après les visites, et  groupes de paroles) te paraissent-elles correspondre à tes besoins ? Les groupes de paroles sont très précieux. J'ai découvert l'échange avec d'autres bénévoles plus anciens. C'est une parole libre, sans tabou, un échange d'expériences irremplaçable qui nourrit et enrichit ton approche de l'accompagnement. Pour la formation, avec ma vie un peu nomade, j'ai eu quelques loupés, mais je vais me rattraper ! Et enfin, si tu devais exprimer en quelques mots seulement ou en une phrase ce que sont tes accompagnements tels que tu les pratiques ou tels que tu souhaites les pratiquer, tu dirais quoi ? A chaque fois c'est une page blanche. Je ne sais pas ce que je vais écrire, ni même si je vais écrire quelque chose. « Ceux qui savent nous aimer nous accompagnent jusqu'au seuil de notre solitude puis restent là, sans faire un pas de plus. Ceux qui prétendent aller plus loin dans notre compagnie restent en fait bien plus en arrière » Christian Bobin, L'éloignement du monde, Éditions Lettres Vives 1993 Communication Fraternité Accompagnement des Personnes Malades accompagnementdesmalades@petitsfreresdespauvres.fr Propos recueillis par Maryvonne Sendra

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