Je suis comme un chien, qu’on ramasse, qu’on pose, qu’on cajole : après une vie de garçon de café et de jobs pas toujours déclarés, Joël Taragon, 64 ans, vit aujourd’hui enfermé chez lui, coincé dans son fauteuil roulant, avec 800 euros par mois pour vivre. Dalida disait que la solitude n’existe pas, si, elle existe , lâche-t-il, en allumant maladroitement une Gitane maïs, la cigarette de la campagne . Adopté dès l’âge d’un an par un couple aujourd’hui décédé, M. Taragon n’a aucune famille. Je m’étais fait quelques amis parmi mes collègues, on allait boire des verres la nuit, après le service, c’était sympa, mais il n’y a plus personne de vivant , poursuit-il. Avec 600 euros de retraite et des aides sociales, Joël cumule péniblement 820 euros par mois, sous le seuil de pauvreté – 950 euros -, sous la moyenne des pensions de retraite, environ 1.100 euros. Et il faut payer le loyer, pas cher heureusement, l’électricité, le gaz, le téléphone, la mutuelle… , énumère le sexagénaire, assis dans le petit salon de son deux-pièces parisien décoré de quelques bibelots, avant de confier 50 euros à Guilaine Hoareau, son aide-ménagère, pour faire les courses.Paralysé, cloué sur son fauteuil roulant, Joël est littéralement coincé chez lui. Pourtant, son immeuble, situé dans une rue calme du XlIIe arrondissement de Paris, est moderne. Il a même un ascenseur. Mais il ne dessert pas le premier étage, où vit Joël depuis cinq ans… L’office HLM me promet un nouveau logement, mais depuis un an, je n’ai aucune nouvelle . Il faut deux personnes pour me descendre, marche par marche. Du coup, je ne suis sorti de chez moi qu’une vingtaine de jours cette année, grâce aux petits frères des Pauvres, qui m’emmènent en vacances ou à Holiday on Ice . Romain, son bénévole attitré, vient toutes les semaines remplir (s)es papiers, discuter; parfois il apporte un Big Mac , raconte avec tendresse Joël, en montrant la photo encadrée de son bienfaiteur, posée sur un guéridon.Chaque jour, les seules visites de Joël se résument à sa voisine, qui vient lui ouvrir les volets le matin, à une aide-soignante, qui vient lui faire sa toilette, puis à Guilaine, l’aide-ménagère, payée grâce à l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA). Mais l’APA ne lui permet de la payer qu’une heure et demie par jour. Ce n’est pas assez , dit Joël, oui, il faudrait deux heures, au moins , abonde Guilaine, qui se dépêche de préparer le déjeuner. Plus, ce serait de ma poche et je n’ai pas les moyens , ajoute M. Taragon. Surtout, Guilaine doit me recoucher quand elle part, à 12h45. A partir de là, c’est fini pour la journée, je reste dans mon lit jusqu’au lendemain matin, je ne peux pas aller aux toilettes, ni répondre au téléphone, le soir je mange le casse-croûte que m’a fait Guilaine . Alors j’ai économisé pour m’acheter une deuxième télé pour la chambre mais je m’ennuie. On m’a proposé la maison de retraite mais même le médecin me dit qu’il y a trop de différences d’âge : ils ont tous 85 ans. Ils sont rigolos, mais faut se les farcir ! , ajoute-t-il en riant. Je ne sais plus sur quel pied danser, je voudrais avoir un peu de joie, plutôt que de rester devant ma télé . Et quand on lui demande à quoi il rêve aujourd’hui : je ne rêve plus à rien, je pense au passé, à toutes mes joies. J’attends que ça finisse .Par Julie CHARPENTRAT – db/phc | AFP | 15-10-2010
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