Derrière cette expression choc, il n’y a pas qu’une formule destinée à alerter : il y a surtout des vies mises entre parenthèses, marquées par l’absence totale de lien humain.
Parler de « mort sociale », c’est mettre des mots crus sur une réalité cruelle : des vies où l’absence de lien efface tout horizon, toute possibilité de se sentir utile, aimé, entouré.
Définition : qu’entend-on par « mort sociale » ?
Les Petits Frères des Pauvres utilisent ce terme depuis leur 1er Baromètre sur l’isolement des personnes âgées sorti en 2017 pour désigner la forme la plus avancée de l’isolement social : l’absence quasi totale de contacts avec les quatre cercles de sociabilité : famille, amis, voisinage, réseaux associatifs.
C’est une souffrance invisible qui ne laisse pas de trace dans l’espace public, mais qui mine le quotidien des personnes concernées :
- « Moi, je parle avec mes murs, mais ils ne me répondent pas. », Patricia, 71 ans
- « À part au cimetière, je n’ai plus personne. », Francine, 68 ans
- « Tu peux avoir un malaise, qui va venir te voir ? », Yves, 76 ans
La mort sociale est une métaphore qui traduit une réalité insoutenable. Derrière chaque chiffre, il y a un visage, une histoire, une solitude extrême. Parfois, cette solitude absolue mène au pire : la mort solitaire, lorsque personne n’est là pour donner l’alerte lors d’un décès.
Un chiffre qui augmente dangereusement
300 000 en 2017, aujourd’hui, 750 000 aînés vivent en situation de mort sociale, privés de tout lien humain. Un chiffre qui a progressé de +150% en moins de dix ans.
Plusieurs facteurs expliquent cette hausse :
- l’augmentation mécanique de la population âgée,
- les effets durables de la crise du Covid qui a coupé des personnes fragiles de leurs habitudes sociales,
- la disparition progressive des proches et amis avec l’arrivée dans le Grand Âge,
- la pauvreté qui limite les sorties et les moments de partage,
- des dispositifs publics de prévention et de repérage encore insuffisants.
Si rien n’est fait, les projections sont glaçantes : d’ici 2030, la mort sociale pourrait concerner près d’1 million de personnes âgées.
Le passage au Grand Âge constitue un tournant : 6 % des plus de 80 ans sont déjà en mort sociale, contre 4 % pour l’ensemble des plus de 60 ans.
- les personnes sans famille proche,
- celles qui n’utilisent pas Internet,
- les plus modestes,
- celles qui connaissent une perte d’autonomie.
Comment agir contre la "mort sociale"
Depuis 80 ans, les Petits Frères des Pauvres agissent contre l’isolement des aînés. En 2024, 26 190 personnes âgées ont été aidées, dont 16 361 accompagnées dans la durée (+43 % en dix ans).
Mais l’ampleur du phénomène exige une mobilisation beaucoup plus large : des politiques publiques ambitieuses, un repérage plus efficace, un soutien renforcé aux initiatives locales. Et surtout, un sursaut collectif : chacun peut être un maillon de lien social.