Suzanne – bénévole d’écoute.Derrière leur téléphone, ils ne sont que «de grandes oreilles», comme le dit Suzanne, qui depuis quatre ans est bénévole à la fraternité d’accompagnement des malades.Pour elle, l’écoute téléphonique, cet accompagnement spécifique, requiert avant tout une grande disponibilité, une attention totale dégagée de tout souci de soi, «comme la feuille prête à recevoir/dans l’intimité du silence, l’empreinte vivante d’un visage», dit le poète…C’est justement dans cet espace anonyme où l’écoutant a un prénom mais pas de visage qu’il peut entrer en relation, le temps de la conversation, avec celui qui appelle «pour parler à quelqu’un tout simplement», ou parce que des mots qui angoissent ou fâchent pèsent trop lourd dans la tête du solitaire. Ou parce qu’on sait confusément qu’être entendu, vraiment, c’est le berceau du sentiment d’exister… Suzanne au beau visage où la vie a déposé ses traces est devenue une de ces écoutantes, parce que, dit-elle, «j’ai peur de la vieillesse».Elle qui, au cours de sa vie professionnelle d’assistante sociale, a croisé «tous les âges», et surtout les enfants en difficultés, est venue, très déterminée, rejoindre l’implantation qui accompagne toutes les détresses : «J’avais envie de travailler au niveau de l’écoute, dans la distance, mais je n’avais pas forcément envie de rencontrer des vieillards.».Aujourd’hui, elle forme les futurs écoutants du N°Azur, qui à terme devrait tisser une chaîne d’amitié sur toute la France. «Quand vous êtes en relation avec une personne, vous êtes vraiment avec elle, explique-t-elle. Vous avez pu arriver devant le téléphone avec des soucis en tête. Mais lorsque vous êtes à l’écoute, tout cela n’existe plus…»C’est à cette condition, ajoute-t-elle, que vous pouvez réellement «entrer en relation avec la personne dans ce qu’elle est».Qu’est-ce qui, outre cette disponibilité, est le gage d’une écoute de qualité«Être vraie à l’instant même où je parle», répond sans hésiter Suzanne, ajoutant aussitôt : «Lorsqu’on s’engage dans ce travail d’écoute, il faut faire preuve d’une capacité personnelle d’évolution et de remise en question.».Ce n’est que dans le mesure où l’on est suffisamment malléable que l’on pourra accueillir l’autre dans sa différence, ce qui implique de ne jamais juger ses propos : «même si vous n’êtes pas d’accord avec ses prises de position! Ce que vous pouvez lui signifier à un moment ou un autre, mais une fois que vous l’avez écouté.».Une grande règle de l’écoutant est de valoriser l’appelant dans ce qu’il dit et confie de lui. En entrant dans un dialogue, où «la personne qui appelle conduit l’entretien» on l’accueille dans l’expression de ce qu’elle vit aujourd’hui même et de ce qu’elle a pu vivre. Expérience unique et paradoxale où il s’agit «à la fois de trouver la bonne distance par rapport à l’autre, mais aussi être dans une bulle avec lui…». Le sourire de Suzanne s’étire comme celui du chat d’Alice au Pays des Merveilles, tandis qu’elle improvise une conversation où l’écoutant, tel un peintre qui touche après touche ravive son portrait, fait des propositions qui permettront peut-être à l’esseulée de «se composer une autre image d’elle-même». Transmettre tout cela aux candidats à l’écoute, dans le cadre de ce qu’elle appelle le «tutorat», «n’est pas chose aisée». Dans un premier temps, le débutant assiste en tant qu’auditeur à plusieurs permanences de bénévoles : «C’est indispensable, car chacun a sa personnalité et sa manière de faire». À lui de comparer et d’apprécier les différences dans le style de chacun. Il pourra par la suite «adopter un mode d’écoute qui va correspondre à sa personnalité et à ses capacités».Ce parrainage, qui vise à favoriser l’intégration du futur bénévole, commence véritablement avec son baptême du feu : la «double écoute», où le parrain accompagne le nouvel écoutant pendant ce temps d’apprentissage, lui passant éventuellement des petits mots en cours de conversation «pour l’inviter à répondre de manière plus ouverte» ou encore de «ne pas avoir peur du silence, qui fait partie de la conversation».Après quelques «permanences d’écoute», un point est fait entre Marie-Anne Van Pée, la coordonatrice référente, le parrain et le bénévole, «Cet échange avec lui est essentiel, juge Suzanne, on le renvoie à son ressenti.».«C’est sans doute ce qui est le plus difficile à transmettre, ajoute Marie-Anne Van Pée : apprendre à passer d’une appréhension conceptuelle des choses à ce que l’on ressent; mais ça se travaille peu à peu.».La durée du parrainage est variable en fonction des besoins du bénévole qui poursuivra ensuite son écoute autonome. En revanche, n’est pas «parrain» qui veut, précise Marie-Anne. Les plus anciens parmi les écoutants sont sollicités. Encore faut-il qu’ils aient cette «aptitude à transmettre», autant qu’une forme de «maturité dans la relation».Ce qui est requis de l’écoutant-parrain, c’est «de ne pas lui donner des recettes toutes faites, de susciter la créativité personnelle de chacun, pour permettre à celui qu’on éveille à sa nouvelle fonction de trouver en lui les richesses relationnelles à laisser éclore et de prendre soin de ses fragilités».«C’est cela la pédagogie, ajoute Marie-Anne. Il faut déjà l’avoir compris soi-même pour permettre à d’autres de le vivre.».
12 décembre 2024
Louise, 88 ans : « J’ai connu les Petits Frères des Pauvres parce que j’étais seule à Noël »
Lire le temoignage26 juillet 2024
Laurence, bénévole : « Chaque intervention me donne un réel bonheur d’avoir pu aider à ma façon »
Lire le temoignage