Larguez les amarres !La coque bleue de la péniche fait écho à la couleur du ciel. S’éloigne du quai du Point du Jour à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine, embarquant à son bord plus de deux cent personnes en provenance des Fraternités Paris Ouest et Banlieue. Une croisière agrémentée d’un repas gastronomique organisée par les petits frères des Pauvres sous l’égide de Samia, chargée de communication rue Bridaine.«Quelle chance, c’est presque un rêve» s’exclame Thérèse assise près de moi. «Je n’aurai jamais pu m’offrir ce plaisir» dit-elle dégustant son velouté de potiron. Une des entrées «d’un repas quatre étoiles» ajoute Paul avalant sa bouchée d’espadon mariné à la table voisine. Coiffé d’une casquette de golfeur noire comme sa crinière, «j’suis drôlement surpris, la péniche est belle, ne tangue pas. Je m’sens bien».Un menu raffiné et un partage sans frontière Dans le bateau équipé de baies vitrées panoramiques et d’une verrière à la proue, les convives déjeunent, répartis par petites tables. Et profitent du paysage. La Seine en crue a empêché le parcours des monuments parisiens. Après un virage devant la statue de la Liberté érigée sur l’île aux Cygnes, ce sont les collines arborées de Meudon, Sèvres, l’île Seguin, le parc de Saint-Cloud enneigé, Suresnes et Puteaux, les tours de la Défense en perspective qui défilent. En savourant «un menu raffiné» déclare Suzanne « heureuse, très heureuse même. » Pour Emmanuel «Camerounais new-yorkais pendant quinze ans», résidant à Saint-Denis «c’est impeccable». Attablé avec Thassadite sa bénévole kabyle et Jacqueline «heureuses de partager ce bonheur. Etre ensemble c’est énorme».A ma table les musiciens finalisent l’animation live qui aura lieu au débarquement, avec un répertoire de chansons françaises. Helen la chanteuse boucles d’oreille en cristal assorties à son pendentif facetté, se «réjouit du spectacle.» Vante La Compagnie Fabuleuse dont elle est cofondatrice «avec la convivialité et l’accès simple à la culture comme objectifs. J’ai connu la galère, la rue. Quand je vois ces personnes démunies, je trouve normal de donner du bonheur. Cela fait du bien.» Stéphane rappelle que « ce n’est pas son premier récital avec l’association, confirme l’échange, la participation des gens». Anna, jeune bénévole «rend hommage au soleil» avec ses dreadlocks. «Etre ici, c’est être dans la continuité au même titre que le temps de partage que je rends aux personnes accompagnées depuis un an» dit-elle accorte.Une mouette rieuse suit l’embarcation qui glisse sous une luminosité éclatante. Philo, directrice de la Fraternité Paris Ouest témoigne de la poésie du site : «Le temps est avec nous. Après la neige, le verglas, tout le monde est ravi.» Alors qu’une colonie de cormorans s’ébroue sous la pile d’un pont, Christian coiffé d’un bonnet de père Noël «parce que c’est gai » avoue « c’est la première fois que je monte sur un navire ! C’est fantastique.» Certifie avoir vu une baleine ! Firmin explique «amis, femmes, toutes générations mêlées comme au Bénin». Sa compatriote se dit «impressionnée par la diversité des participants : âgés, moins âgés, jeunes, colorés, noirs, blancs, asiatiques, malades amenés pour qu’ils ne connaissent pas l’effroi de la solitude. C’est une journée mémorable. De celle qu’on n’oublie pas.» Terminant le veau aux morilles, François «est ravi de l’après-midi même s’il n’aime pas trop naviguer pendant qu’on mange».Catherine Lara entonne Nuit magique en fond sonore tandis que des péniches en bois noir comme de vieux wagons ou restaurées façon guinguette ponctuent les rives. Des squats sous le pont d’Issy-les-Moulineaux contrastent avec les locaux de Canal+ et de SFR situés juste au-dessus. Tandis qu’Anne-Marie la présidente de la Fraternité Paris Ouest invite les passagers à gagner Les Calanques «pour la suite musicale, le moelleux au chocolat et le champagne», Pathé, d’origine sénégalaise en djellaba jaune et fez rouge, se lève déjà après avoir dévoré sa bûche framboise-chocolat.Une table de copains s’improvise. Léopold, Jean-Claude et Christian tous suivis par l’implantation 18e. Itinéraire d’enfance chaotique, tribulations de vie mouvementée, mais sous le charme de la traversée «les yeux plein d’étoiles.» Et les agapes continuent avec les chansons reprises en chœur et la distribution des ganaches de La Maison du Chocolat. C’est Christian le glaneur «qui récupère les restes comme dans le film*» qui a le mot de la fin. «C’est fou, j’ai de l’arthrose, j’la sens même plus. Il y a de bonnes énergies ici, 2010 ça finit fort, 2011 ça va être super».Catherine Bretécher*Les Glaneurs et la glaneuse, film d’Agnès Varda (2000).
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