Son prénom sent bon la garrigue et la farigoulette. Le cocasse c’est que la Fanny du Bar de la Marine de Pagnol aime un fils de cafetier. Coïncidence, notre Fanny, piquante jeune femme au teint de lait, à la bouche et la coiffure de Betty Boop, l’héroïne de dessins animés américains a choisi d’animer le Café des petits frères dans le cadre du service civique !Le rayon de soleil du matin« Thé ou café ? » Derrière le zinc Fanny conjugue exigence et plaisir. Visiblement dans son élément, elle prépare la commande de Lucien*, un pépé à gapette : « Un p’tit noir pour finir la partie ? » lance-t-il à son partenaire d’échecs. Annette* une habituée, loue Fanny « qui dégage une pureté, une vérité, un vrai rayonnement.» Claude*, un quidam qui officie dans le spectacle, « sensible aux couleurs toniques des rideaux, aux coussins, aux bouquets, désigne Fanny du menton : sa réceptivité hors pair mérite 10/10. » A l’instant l’hôtesse interpelle un gars qui sirote au bar : « Alors Antoine*, quel est votre signe astral ? Je vais vous lire votre horoscope» dit-elle feuilletant un quotidien, avant d’accrocher en vitrine l’ardoise qui annonce le prochain concert, débloque la machine à café éjectant deux capsules d’expresso coincées à l’intérieur. Tel un farfadet, elle surgit de la réserve du sous-sol chargée de 50 jus de fruits et 120 barquettes de confitures pour les petits déjeuners, gère ses stocks : sirops, eaux minérales, sodas, thés, infusions, lait, bière, alimente en chocolat en poudre la machine. Pierre*« retraité et lecteur assidu » vient en voisin. Regarde la tranche du polar glané dans le rayonnage : « A vue de nez, deux heures de tranquillité, un p’tit déj. à 1.50 € et Fanny, le rayon de soleil du matin.» A 12 h, en vraie pro, elle fait sa caisse, nettoie les tables, aligne tasses et soucoupes, prête pour la réouverture de l’après-midi.Fanny est de la race des pugnaces qui prennent des décisions et s’y tiennent. Enfance heureuse dans une maison avec jardin dans le Val d’Oise. Mère infirmière, père ingénieur et « attentive aux autres, une tradition familiale, comme le cadeau unique à Noël, « pour apprécier les choses à leur juste valeur. » Maîtrise d’histoire à l’INHA** en poche, elle se réoriente « pour donner un sens à sa vie, construire un projet ». Souhaite travailler en équipe, être sur le terrain, épluche le site Internet du service civique, répond à l’annonce pour l’action Café. Pour cet humaniste c’est la diversité des missions qui motive son envie d’animer ce lieu de convivialité culturel : lutter contre l’isolement, proposer des consommations (sans alcool) à des prix imbattables, l’accueil bénévole avec accès gratuit à Internet, aux journaux, à la bibliothèque, aux jeux de société, aux concerts, spectacles, ciné-débats, ateliers « philosophie » pour partager. … j’ai rencontré des individus passionnants Aide-soignante en maison de retraite chaque été dès 18 ans, elle donne en parallèle des cours de français-latin aux enfants hospitalisés. Sous l’égide d’un référent, elle gère un micro séjour « avec l’envie de faire plaisir », passe du temps avec les anciens, s’assure qu’ils se nourrissent correctement. L’accompagnement à domicile des personnes accompagnées favorise les bons moments même si elle mesure leur isolement abyssal. Fanny se souviendra longtemps du 25 décembre 2010 à bord du Capitaine Fracasse : « Le meilleur Noël de ma vie : j’ai rencontré des individus passionnants.» Elle s’intéresse aux gens qui n’entrent pas dans des cases dont l’âge, le parcours ou le profil les empêchent de s’intégrer dans la société telle qu’elle nous est proposée. Toute cette solidarité la rend guillerette comme d’accompagner Jeannette, 76 ans, sa vieille amie à Chanoinesse avant d’exaucer son vœu de visiter le Trésor de Notre-Dame et ressentir son émerveillement devant les calices, ciboires, reliquaires en or et chasubles brodées. Un tremplin pour la vie Fanny a le sens inné des contacts, rédige et maquette « Café-infos » qui propose en mai deux films Quatre mariages et un enterrement, Loin du Paradis, un récital de chants et contrebasse, un atelier philo. Des animations qui rassemblent vingt-cinq spectateurs autour d’un goûter dans ce Café « pas comme les autres ». Sa quête de sens lui permet de s’exprimer sans tricher, de proposer, d’écouter celui-ci défendre un film avec conviction, cet autre s’enthousiasmer pour l’éclectisme du répertoire musical.Lorsqu’elle témoigne de cette expérience, Fanny note qu’initiatives et projets ont succédés aux questionnements. Elle affiche une foi inébranlable en l’intelligence du cœur nourrie de la passion des autres, revendique sa liberté de faire bouger les consciences. Son avenir ? Elle le voit comme une boîte de chocolats, avec gourmandise. « Le succès à mes concours m’autorise trois ans d’études pour exercer mon futur métier d’éducatrice spécialisée. » Se mettre au service de l’intérêt d’une collectivité, c’était l’objectif initial. Alors, ce service civique ? « Un tremplin pour la vie » dit-elle, avec toute la finesse dont elle sait faire preuve.Catherine Bretécher*Le prénom a été changé**Institut National d’Histoire de l’Art
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