Annie-Marie BAROU – bénévole au café des petits frères.Dans un visage animé, mobile, coiffé d’un casque de cheveux bruns, on ne voit qu’eux : de grands yeux bleus francs, interrogateurs, bienveillants, qui s’attachent à vous. Annie-Marie Barou, bénévole, officie au bar de café des Batignolles, à quelques enjambées de la mairie du XVIIe à Paris.Tous les mercredis après-midi de 13h 45 à 19 h, elle fait équipe avec Marie-Thérèse, dans le café associatif des petits frères, ouvert aux habitants du quartier. Retraités précoces, joueurs invétérés, précaires de tout poil, «slameurs» aux rimes riches, ou oiseaux de passage viennent s’attabler dans la petite salle décorée en jaune, vert et blanc.Aux meilleures heures, une trentaine de personnes se pressent autour des tables carrées ou discutent debout, devant les joueurs imperturbables aux yeux rivés sur leur échiquier. « Être au bar, ce n’est pas seulement rester derrière un comptoir, mais être là, présente, à l’écoute, regarder un peu ce qui se passe, aller vers les clients. C’est ce rapport direct avec les gens qui m’intéresse…».En lien professionnel «avec le terrain social et l’action culturelle», Annie-Marie Barou pose sa candidature chez les petits frères en septembre 2004 parce qu’elle désire prendre du temps pour mener une action bénévole, de préférence dans le champ de ses compétences : «J’avais plutôt une pratique de terrain et le bar m’intéressait.».Comme à l’époque le bar affiche complet, on lui propose de rejoindre le secteur «Précarité», ce qu’elle fait pendant six mois, avant d’intégrer l’équipe du café associatif. Au passage, la bénévole se dit très impressionnée par le «sérieux»et la précision du questionnaire de motivations qu’elle a eu à remplir, avant d’être acceptée dans le «vivier» des vingt bénévoles des Batignolles.Annie-Marie, qui a été directrice de MJC à Créteil (Val-de-Marne), s’y entend pour palper l’atmosphère d’un lieu, mettre à l’aise une personne solitaire, entamer spontanément la conversation avec un nouveau venu, «recadrer» un client un peu trop envahissant ou «qui dépasse les limites» : «Dans toute vie en collectivité, il y a des règles, affirme-t-elle catégorique, sinon ça devient infernal.».Mais, assure-t-elle, «c’est vraiment un lieu chaleureux où chacun est heureux de retrouver d’autres personnes dans un cadre agréable et convivial».Au bistrot des Batignolles, le café est à 45 centimes, on y petit-déjeune (à partir de 8h) pour un 1,50 euro et le lieu, simple et convivial, est effectivement chaleureux. L’activité principale du café est de donner à ceux qui y passent, pour certains, une grande partie de la journée, l’occasion de se rencontrer et rompre ainsi avec une certaine solitude urbaine. Rien de tel qu’une partie de Scrabble ou de belote pour fédérer les clients. Même le juke-box joue gracieusement. De Piaf à Vivaldi en passant par la Compagnie Créole, ses 80 titres n’attendent qu’une main dévouée pour déployer leur mélodie dans l’atmosphère enfumée!«Quand les gens arrivent, on ne les connaît pas toujours. J’aime regarder un peu de quelle manière ils s’installent, comment ils sont avec les autres. Sont-ils prostrés? Ont-ils envie de jouer, de se mettre à une table où il y a d’autres personnes?». Le 6e sens de l’animatrice culturelle lui permet de se rendre compte très vite «si l’ambiance va être électrique, comment les gens vont se comporter, s’ils vont se montrer un peu ouverts aux autres…».Trois à quatre fois par mois, le café prend des allures de théâtre ou de salle de concert : des comédiens ou des groupes sont invités à se produire sur la scène de poche, au fond de la salle. Un chanteur, un musicien voire les deux ou encore un poète et un magicien s’y installent, pour ouvrir l’horizon des joueurs invétérés, toucher le cœur des esseulés, fédérer un peu plus les solitudes juxtaposées : «Il y a à trouver comment être ensemble, comment l’harmonie peut se créer avec des personnes différentes, des attentes différentes…», s’interroge Annie-Marie, qui établit la programmation avec le permanent responsable du lieu.«Quand les gens se trouvent à l’aise dans un endroit, où ils sentent qu’il y a un peu de chaleur, que les autres sont à l’écoute, les choses se passent totalement différemment. Je ne dirais pas que la parole se libère, mais il y a un peu de ça», dit-elle, évoquant les «Paroles en liberté» qui fleurissent chaque mois depuis février 2006, sous l’impulsion d’une «facilitatrice» hors pair, Michèle Sillam.Micro tendu à qui veut sur un thème choisi ensemble, l’amour, le mensonge ou le… repassage : le résultat est saisissant!Annie-Marie qui s’est beaucoup investie pour animer le 10e anniversaire du «café d’humanité»en juin dernier, n’est pas prête à rendre son tablier de barmaid : «Je ne pensais pas que le café allait aussi loin. Pour moi, c’était plutôt un lieu d’accueil. Point à la ligne. Et je m’aperçois qu’à travers les multiples activités proposées, cela va bien au-delà.».EN SAVOIR+ QUELLE ACTION?Accompagner des personnes en difficulté, voire en rupture sociale, dans un café-accueil ouvert à tous, proposer et animer des activités culturelles, spectacles, forums, débats, ateliers de parole… pour favoriser la prise de conscience de soi et l’autonomie.OÙ?Au café des petits frères des Pauvres, 47, rue des Batignolles, 75017 Paris.RÉSEAUX MOBILISÉSLes associations du XVIIe arrondissement, des artistes de toutes obédiences, philosophes, sociologues et autres agitateurs socioculturels qui interviennent ponctuellement.SIGNES PARTICULIERSConnaissance du public précaire et notions de service au bar.Écoute et disponibilité, ouverture à tous, spontanéité et présence sont les qualités requises pour devenir bénévole au «café d’humanité» qui a fêté ses quinze ans en juin 2011.
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