Avec Jeannine, « tout a changé », dit Paulette. Voilà six ans que ces deux-là se voient, chaque semaine. Six ans que la première, bénévole à l’antenne briochine des petits frères des Pauvres, association qui lutte contre l’isolement, rend chaque semaine visite à la seconde, âgée de 89 ans.« À la longue, une complicité s’est créée », dit Jeannine, qui en a 70. « Je revis un petit peu », sourit Paulette, attablée samedi au restaurant « Le monde des chimères », pour le traditionnel déjeuner de Noël de l’association. Avant ça, Paulette était « complètement désociabilisée, elle ne parlait à personne », relate la bénévole. Veuve, sans enfants, la vieille dame vivait seule dans sa maison, dans la campagne de Pordic. « Comme on n’était pas une grande famille, je n’ai plus personne », explique Paulette, fille unique et pupille de la Nation. Son père, raconte-t-elle, a été fusillé par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette Finistérienne d’origine a travaillé toute sa vie à Paris, d’abord dans les allumettes, puis dans le tabac. La retraite venue, elle s’est installée dans la région briochine avec son mari, décédé il y a plusieurs années.Camembert et gros pavésLors d’une hospitalisation à Saint-Brieuc, l’assistante sociale s’émeut de sa solitude et l’oriente vers les Petits frères. Jeannine Le Guigot est désignée comme accompagnatrice. Cette comptable à la retraite vient alors de perdre son mari et a décidé de s’engager dans cette association lancée, à Saint-Brieuc, par un collègue de son époux. « Je me suis dit que je pouvais rendre service, donner un peu de joie. Je n’aime pas voir les gens dans la détresse, seuls à cet âge », explique Jeannine, qui accompagne deux autres vieilles dames et entend bien continuer ses visites « tant que je pourrai ». Elle est aussi active au sein de l’association de consommateurs UFC Que choisir, où elle oeuvre contre les arnaques. « Les personnes âgées se font beaucoup gruger, ça m’écoeure », dit-elle. Paulette vit depuis un an en maison de retraite, mais Jeannine continue de lui rendre visite, chaque semaine. « On parle de tout, de politique, de la vie courante », relate Jeannine. « Elle m’apporte les nouvelles. Comme ça, je suis un peu au courant de ce qui se passe dehors », complète Paulette, qui apprécie la conversation. « À la maison de retraite, beaucoup perdent la tête, je ne peux discuter avec personne », regrette-t-elle. La bénévole apporte aussi à sa protégée de la compote, du camembert – « elle adore ça »- et des « gros pavés » pour étancher sa soif de lecture. Parfois, elle emmène la vieille dame prendre un café en terrasse, à Binic. « Ça me sort un peu », aime Paulette.« On manque d’humanité »Les deux femmes partagent le constat : la solitude, le délitement du lien social sont parmi les maux de l’époque. « Je trouve qu’on manque d’humanité », juge Jeannine. « Dans le temps, on s’occupait bien les uns des autres. On avait la misère, mais au moins on avait l’amitié des gens, analyse Paulette. Maintenant, c’est chacun chez soi. Vous pouvez mourir seul, tout le monde s’en fiche. » L’octogénaire peut maintenant compter sur sa bienfaitrice, mais pense à ceux qui n’ont pas cette chance : « Il faudrait plein de Jeannine », glisse-t-elle.Elodie Auffray – Le Télégramme – 26 décembre 2016
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