Tribune parue sur LeMonde.fr – 8 mars 2017Par François-Xavier Turbet Delof et Pierre Loussouarn (Porte-parole du collectif Habiter autrement)Nous, militants associatifs et professionnels soucieux de l’accompagnement des personnes âgées fragilisées, constatons la nécessité de promouvoir de nouvelles formes d’habitat. Aujourd’hui le choix se résume soit à rester à son domicile, soit à entrer en établissement. Et ce choix restreint n’est pas aussi libre qu’il n’y paraît. Il est contraint par le niveau des ressources, les besoins individuels, l’implantation territoriale, la disponibilité des entourages ou des services d’aide à domicile. Ainsi, alors que le souhait de rester à domicile est plébiscité par les Français (baromètre Drees 2015), 25 % des 85 ans ou plus résident en maisons de retraite (rapport Drees 2015). Ces établissements, espaces d’accueil indispensables, demeurent – avec des tarifs souvent élevés – la seule solution quand l’isolement et la vieillesse fragilisent le maintien à domicile.L’APA (Allocation personnalisée à l’autonomie) et l’éventuelle contribution des familles participent à réduire le reste à charge au domicile pour les personnes à faibles ressources. Mais les aides publiques varient selon les territoires en fonction des volontés politiques et capacités économiques de chaque département, créant ainsi une forte disparité inacceptable.Initiatives d’habitat partagéInnovons pour respecter le choix des personnes âgées. Face aux enjeux démographiques (les plus de 75 ans passeraient de 6 millions à 11,9 millions en 2060 ; les plus de 85 ans de 1,4 à 5,4 millions, selon l’Insee), face à un système binaire inadapté, face aux situations socio-économiques des personnes âgées fragilisées, nous pensons qu’il est urgent de promouvoir des solutions pour mieux répondre à leurs attentes. Dès les années 1980, les initiatives d’habitat partagé se sont multipliées. Grâce à la volonté d’un pan du secteur associatif, des « petites unités de vie », nouvelle forme d’établissement, se sont développées. Groupes de citoyens, associations, municipalités ont créé des lieux innovants combinant vrais logements autonomes et services, apportant présence, aide et sécurité. En ville, à la campagne, de taille variable, d’appellations et de formes diverses (logements groupés, colocation, béguinage…). Autant de modèles qui démontrent que nous pouvons répondre à cette nouvelle génération de personnes âgées, qui veut rester actrice dans son habitat, adapté à son vieillissement, et dans sa cité quelles que soient ses ressources.Favoriser le lien socialLuttons contre l’isolement en favorisant le lien social. Persuadés de l’intérêt de ces initiatives, nous avons réalisé une étude approfondie sur dix lieux représentatifs de l’offre existante d’habitats alternatifs. Cette étude met en avant la diversité des expériences et surtout la satisfaction des habitants.Ces habitats offrent le choix à un public qui recherche des solutions plus souples, moins institutionnelles, permettant une aide modulable au sein d’un véritable « chez soi ». Ces lieux de vie s’imposent comme essentiels dans la lutte contre l’isolement en créant du lien social. Installés à proximité du domicile antérieur, ils facilitent la mobilisation des compétences et retardent la perte d’autonomie.N’enterrons pas l’innovation sociale sous les obstacles réglementaires et les craintes du changement. Car notre étude met aussi en avant les nombreuses difficultés rencontrées par les porteurs de projets : normes très contraignantes, peur de l’innovation, de la prise de risque… Notre réglementation sociale et médico-sociale peut freiner l’émergence de ces projets qui n’aboutissent souvent que grâce à la volonté acharnée et à l’ingéniosité de leurs promoteurs.Peu de place à la nouveautéLa réglementation, par souci de protéger et d’apporter toute la sécurité possible, préfère les structures de plus grande taille, encadrées, planifiées. Elle laisse peu de place à la nouveauté, à la parole des personnes âgées qui préféreraient le choix d’un risque décidé par et pour elles-mêmes. L’institutionnalisation, obnubilée par la sécurité, se révèle trop souvent attentatoire à la créativité et aux libertés de ceux qu’elle affirme vouloir protéger.Nous souhaitons notamment que les personnes puissent mettre en commun les aides qui leur sont attribuées.Nous demandons que l’âge, au même titre que le handicap, soit un critère prioritaire pour l’attribution d’un logement social adapté. Il faut que la coordination des partenaires intervenants sur ces lieux de vie soit intégrée dans les plans d’aide des personnes en perte d’autonomie, ouvrant ce service à la réduction ou au crédit d’impôt. Ces avancées permettraient d’adapter notre offre de logement aux besoins de demain.Parce que choisir son lieu de vie est un droit essentiel à tout âge, parce qu’un habitat adapté prévient la perte d’autonomie, nous appelons les candidats à l’élection présidentielle comme les citoyens, à oser, à relever le défi et à se mobiliser pour permettre aux plus âgés de garder toute leur place dans la société.Les signataires : Collectif Habiter Autrement, Les petits frères des Pauvres, Association Monsieur Vincent, ADMR, Association Ayyem Zamen, Autonomie Paris Saint-Jacques, Béguinage solidaire, EHPAD de côté/le pas de côté, Fabrick Autonomie Habitat, Fondation Armée du Salut, GPS de La Lendemaine, Habitat et Humanisme, Hal’âge, ISATIS, La Maison des Sages, La Pierre Angulaire, Villages à vivre, Ville de Grenoble et son CCAS, Vivre aux Vignes, et aussi Anne Labit (maîtresse de conférence en sociologie, université d’Orléans), Cécile Rosenfelder (doctorante ATER, université de Strasbourg). Avec le soutien de Fany Cérèse (architecte), Colette Eynard (consultante en gérontologie), Marie-Jo Guisset (gérontologue), Laurent Nowik (socio-démographe, maître de conférences à l’université de Tours), OAREIL, Didier Salon (architecte), UNIORPA.
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