Quelles pourraient être nos dernières paroles ? Notre ultime envie à ce moment-là ? Pour nombre d’entre nous, il est malaisant de se projeter et cette perspective est même plutôt taboue.
Pourtant, mieux comprendre la fin de vie et parfois l’anticiper, c’est aussi s’assurer de vivre plus sereinement ce moment quand il arrivera. C’est d’ailleurs pour cette raison que de plus en plus de personnes prennent la parole sur ce sujet. C’est le cas de @hospicenursejulie, infirmière américaine en soins palliatifs qui brise les tabous sur TikTok : « Je veux normaliser la mort en éduquant les gens sur ce sujet », indique-t-elle. Elle révèle notamment les dernières paroles que la plupart des personnes prononcent en fin de vie. « Il y a une chose que la plupart des gens disent avant de mourir et c’est généralement « Je t’aime », ou alors ils appellent leur mère ou leur père (qui, généralement sont déjà morts) ».
Dans une autre vidéo, cette infirmière détaille les regrets qu’évoquent souvent ses patients en phase terminale. D’après elle, ils sont souvent du même type : ils déplorent d’avoir passé trop de temps à travailler, de ne pas avoir apprécié les petites choses de la vie et de ne pas s’être rendu compte de la chance qu’ils avaient d’être en vie.
Lorsque la fin approche, il est courant que les personnes en fin de vie soient amenées à faire le bilan de leur vie, à passer en revue les épisodes douloureux ou heureux qu’elles ont vécu.
Les questionnements existentiels en fin de vie
En fin de vie, les personnes -qu’elles soient âgées ou non- sont tout à coup confrontées à la perspective de la mort. « Cette perspective peut être un bouleversement sur tous les plans, tant elle renvoie à des questionnements existentiels : suis-je prêt, pourquoi moi ? ai-je bien vécu ? quelle trace vais-je laisser… Tout un chacun est renvoyé vers ce qui est pour lui « essentiel » dans une vie. », décrit Sabine de Baudus, chef de projet maladie grave fin de vie chez les Petits Frères des Pauvres.
Aussi, pour partir de manière apaisée, le Docteur Gabriel Sara, célèbre oncologue et révélation du film « De son vivant » d’Emmanuelle Bercot dont les Petits Frères des Pauvres ont été partenaires, estime qu’il y a 5 mots essentiels à dire en fin de vie.
1. Merci
Ce petit mot tout simple se prononce lorsque la personne en fin de vie est sereine, que son bilan est positif. Elle est reconnaissante de ce que la vie lui a apporté, de ce que ses proches lui ont permis de vivre. C’est parfois une gratitude de « dernière minute » lorsque la douleur est au-rendez-vous, que la souffrance est présente, et que le personnel soignant ou les différents intervenants arrivent à offrir un peu de mieux-être.
Il arrive aussi fréquemment que les équipes d’accompagnement en fin de vie des Petits Frères des Pauvres soient remerciées pour leur présence, les petits projets réalisés jusqu’au bout…
« Thérèse a exprimé plusieurs fois lors de nos rencontres le fait qu’elle se sentait oubliée de la société et de sa famille. Le fait qu’on accède à ce vœu (l’accompagner voir un arbre centenaire), c’est une preuve qu’elle existe et qu’elle a encore une place dans la société. Cette sortie lui a aussi remonté le moral, on lui a donné l’envie de continuer, le goût de faire des petits projets même si c’est à court-terme », raconte Laurence, bénévole de l’équipe d’accompagnement des personnes malades et/ou en fin de vie de Cambrai (59).
2. Pardon
Cette sorte de bilan de vie invite parfois les personnes à se réconcilier avec leurs proches, à vouloir se se délester d’un poids de culpabilité important en partageant des remords ou des secrets de famille.
Le pardon demandé ou prononcé par la personne en fin de vie apporte alors un grand soulagement à tous.
« Cela m’a fait du bien d’écrire, cela m’a fait aussi avoir des remords d’avoir fait ou de ne pas avoir fait certaines choses. J’ai écrit et j’ai essayé de ménager ce qui était aménageable et le reste, c’est ma vie ! », explique Joseph, 72 ans, qui a pu écrire sa biographie sur son lit d’hôpital et la faire éditer grâce à l’équipe d’accompagnement des personnes âgées malades et en fin de vie de Marseille (13).
3. Je te pardonne
Dans la même veine que le précédent, accorder le pardon à ses proches sur son lit d’hôpital, c’est souvent un apaisement dans les relations qui apporte un bien-être instantané.
En outre, la maladie et la perspective de la mort peuvent être l’occasion pour la famille de se réunir et d’oublier leurs querelles…
« Je ressens clairement qu’il s’est passé un événement important avant mon arrivée, entre cette mère et ces enfants. Lequel ? Je n’ai pas à le savoir, je suis là simplement pour accompagner Madame Nicole à cet instant présent. Je me tourne vers elle, lui sourit. Long moment, sans rien dire. Puis elle brise le silence, d’une voix forte pour tenter d’en maîtriser le tremblement : « Ils viennent de se réconcilier après tant d’années. J’attends ce moment depuis si longtemps, voyez-vous. Je n’y croyais plus. Il a fallu qu’ils me voient là, à bout de force et de vie, pour prendre conscience de leur jalousie stupide, de leur chance, de leur vie à construire. Ma maladie, finalement, … c’était peut-être le prix à payer pour réunir ma famille. (…) Je suis en paix. » Elle ferme les yeux, je comprends qu’elle souhaite se reposer, lui dis « merci » en lui caressant la main avant de quitter la chambre. », témoigne notre bénévole de l’équipe d’accompagnement des personnes âgées malades et en fin de vie d’Ile-de-France.
4. Je t’aime
Comme le soulignait l’infirmière américaine @hospicenursejulie, « je t’aime » est l’un des mots les plus courants sur le lit de mort. Parce qu’en fin de vie, l’intensité de la vie et des émotions est souvent très forte.
Lorsqu’on revient sur les moments forts de son existence, l’importance de notre capacité à avoir aimé et d’être entouré de ceux qu’on aime résonne fortement.
« Monsieur X me parle plusieurs fois de son épouse. Elle est partie il y a 4 ans. Il l’a accompagnée durant les 3 dernières années de sa vie en lui rendant visite tous les jours dans l’Ehpad où il a dû la placer à cause d’Alzheimer. Il était là pour elle, même si elle n’était plus vraiment là. Elle ne le reconnaissait pas. Et soudain son visage s’illumine encore un peu plus. Il me parle de cet après-midi où, 2 ou 3 mois avant le décès de son épouse, celle-ci l’a reconnu. « Elle m’a dit des choses douces, comme se disent les amoureux » me raconte-t-il. Il est face à moi mais son esprit est ailleurs. Avec sa femme. Dans ce moment unique qu’ils ont partagé. Un dernier moment d’intimité. Et c’est ce moment qui lui revient. C’est ce moment qu’il garde avec lui et que notre conversation lui donne l’occasion de revivre. À cet instant, j’ai la sensation qu’il est avec elle. Amoureux comme au premier jour » raconte Aymeric, bénévole de l’équipe d’accompagnement des personnes âgées malades et en fin de vie de Clichy.
5. Aurevoir
Le mot de la fin. Savoir « bien » dire aurevoir, c’est aussi important pour celui qui part que celui qui reste.
Plusieurs auteurs dont Elisabeth Kubler-Ross ont documenté les différentes phases de la fin de vie et pointent l’importance pour le patient, de se séparer des objets, des personnes, des liens pour pouvoir mourir.
D’ailleurs, on sait combien certaines personnes attendent de pouvoir dire aurevoir à leurs proches avant de décéder… À l’inverse, il existe aussi beaucoup de témoignages de proches qui « autorisent » la personne en fin de vie à « partir ».
« Robert était originaire de Normandie et a passé sa vie professionnelle à « bouffer » du kilomètre, car il était chauffeur routier international. Il avait une passion entre toutes, les plantes vertes, « ses » plantes, il les bichonnait amoureusement. Sa chambre était une véritable serre, un vrai havre de paix. Il savait très bien que sa fin était proche. Il en parlait avec une grande clarté, sans colère ni tristesse, apaisé et tranquille. Il a fait devant moi son testament verbal concernant ses plantes. Il m’a dit : « surtout prenez la plus belle, celle qui est encore vigoureuse. Gardez-la chez vous et pensez à moi de temps en temps ». », raconte Dominique, bénévole d’accompagnement en fin de vie chez les Petits Frères des Pauvres.
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