Témoignage

Témoignage d'un nouveau bénévole de la Fraternité Accompagnement des Personnes Malades

03 novembre 2011
Derniers témoignages
  • Alisa, volontaire européenne de 19 ans : « j’ai trouvé ma famille française »

    « J’ai trouvé ma famille française »

    Lire le témoignage
  • Olga, 91 ans : « merci à l’Association de me rendre la vie tellement plus agréable. »

    « Merci à l’Association de me rendre la vie tellement plus agréable. »

    Lire le témoignage
  • En dépit de la différence d’âge, Cécile, 17 ans, rend visite à Yvette, 94 ans…

    « Yvette m'a montré que l'on pouvait vieillir en étant encore jeune dans sa tête »

    Lire le témoignage
Voir tout

On a tous à rendre compte de la solitude. La pire des souffrances, c'est d'être malade seul et de mourir seul.

Peux-tu décrire le cheminement qui t'a amené à faire du bénévolat ? Mon engagement dans le bénévolat est récent. Il coïncide en réalité avec un « événement » : celui de la fin de ma vie professionnelle et le début de ma retraite. En réalité, j'ai tout le temps su que je ferais du bénévolat. Et puis, je ne suis ni sportif, ni bricoleur, et quand bien même je le serais, ces activités me sembleraient bien dérisoires. Toute ma vie professionnelle a été consacrée à mon travail. Et je savais que dès que je serai libéré de ces responsabilités, je m'engagerai pour donner plus de sens à ma vie. Ce plus de sens, il passe par les autres, et le temps à leur donner. Quand j'ai approché les petits frères pour faire du bénévolat, j'étais même prêt à faire du bénévolat tous les jours ! On m'a répondu que la fréquence des visites, c'était quelques heures, une fois par semaine – ce que je fais. Mais en réalité, je m'investis plus que ça, et j'aide aussi, avec une autre association, des jeunes à trouver du travail ! Qu'est-ce qui a motivé ton choix de faire du bénévolat d'accompagnement de personnes âgées gravement malades et en fin de vie ? Dans ma vie professionnelle, j'ai été pendant 6 ans DRH d'un centre hospitalier. J'ai été aussi Directeur d'une maison de retraite. Dans les deux cas, c'était un choix qui ne devait rien au hasard. Ca me permettait indirectement d'œuvrer pour les malades et les personnes âgées. J'ai des valeurs et je crois à la solidarité, au partage. Et concrètement, ça se traduit par aller vers ceux qui ont moins de chance que moi. Pendant ma vie professionnelle, j'ai donc côtoyé des malades et des personnes âgées mais j'étais dans une fonction qui ne me permettait pas d'être dans une relation d'accompagnement, même si j'ai toujours agi avec le souci du respect de la personne humaine. Là maintenant c'est différent. Je ne suis plus dans une posture, et je peux plus facilement véritablement rencontrer les autres. Pour répondre à ta question, on a tous à rendre compte de la solitude. La pire des souffrances, c'est d'être malade seul et de mourir seul. Toute ma vie, j'ai assisté à la fin de vie de personnes seules. Pour lutter contre ça, chacun doit apporter sa goutte d'eau. Et la solidarité c'est une chaîne humaine. Demain, quand je mourrai, j'aurai envie d'avoir quelqu'un près de moi. Comment se sont déroulés tes premiers accompagnements ? Les avais-tu imaginés auparavant ? Et as-tu si oui, la réalité de ce vécu correspond-elle à l'idée que tu t'en faisais ? Le monde de l'hôpital, je le connaissais de par ma profession. Ce que j'ai été amené à vivre depuis le début de mon bénévolat, oui, c'est bien comme je m'y étais projeté. En réalité, ma difficulté a été mon positionnement par rapport au personnel. Ils ne savaient bien-sûr pas que j'étais ancien directeur dans un centre hospitalier mais ma fonction d'avant, paradoxalement, ne facilitait pas mes prises de contact avec eux. Il fallait que j'arrive à me positionner avec eux différemment, en tant que bénévole. J'avais peur de les gêner. Et puis, c'est ma participation à un groupe de parole petits frères qui m'a aidé. Avec les autres bénévoles et la psychologue qui animait la session, on a abordé cette question de la relation au personnel soignant, et chacun a apporté son éclairage sur sa façon d'être aussi en lien avec le personnel. Depuis, ça a été un déclic, je ne me fais plus de cinéma, j'y vais naturellement. Quand j'arrive, j'attends un moment dans l'infirmerie. Je n'interromps pas les transmissions. J'attends que quelqu'un soit disponible. Ils me connaissent maintenant, je n'ai plus besoin de me présenter mais je le fais pour ceux que je n'ai pas souvent rencontrés  ''Jean, bénévole petits frères des Pauvres‘', et ils me conseillent d'aller rendre visite à tel ou tel patient en fonction des besoins d'accompagnement qu'ils ont perçus. Un échange de regards, du toucher, sa main dans les miennes... As-tu pu retirer des enseignements de tes premiers accompagnements ? Si oui, quels sont-ils, et ont-ils modifié ta pratique  ? L'accompagnement varie selon la personne. En fait, il faut apprendre à être dans une présence à l'autre. Au début, j'avais peur des silences, je posais des questions, j'engageais la conversation parce que je me sentais obligé de ‘' meubler ''. Là encore, le groupe de parole m'a aidé. Oui, il peut y avoir des silences. J'ai compris que ces silences, ce n'est pas le vide. Quand on est à l'écoute, proche de l'autre, centré sur la personne qu'on a devant soi, on partage des moments de chaleur, de vraie présence. Je me souviens d'une personne qui m'a dit ‘' je suis si vieille ‘'. Avant, je me serais lancé dans une dénégation, une tentative d'amoindrissement de ce sentiment. Là, parce que je sais la valeur d'une personne, quel que soit son état, je me suis contenté d'un échange de regards, du toucher, sa main dans les miennes. Ceci dit, je parle aussi ! Et pour tout t'avouer, mon petit accent du sud-ouest qu'on ne peut pas rater, ça me rend bien service ! As-tu été amené à croiser, au chevet des personnes que tu accompagnes, la famille de ces dernières ? Est-ce que ton bénévolat d'accompagnement te semble pouvoir s'étendre aux proches des personnes malades et en fin de vie ? Oui, ça m'est arrivé souvent. Je me souviens d'un homme d'origine algérienne, il devait avoir dans les 80 ans. Il venait accompagner son épouse qui faisait de la chimiothérapie. Il passait toutes ses journées à l'hôpital car il sentait qu'elle était perdue sans lui. Il était très content de trouver quelqu'un de disponible à qui parler ! Je parle aussi souvent avec les enfants et les amis qui viennent rendre visite. On n'est ni médecin, ni psychologue, on n'a aucune posture professionnelle, et ça, ça libère la parole des proches Parfois, on se retrouve en situation de confident. Comme cette dame italienne qui venait au chevet de son mari hospitalisé. Elle a eu envie de me confier qu'elle avait manqué de tendresse dans sa relation de couple avec son mari. C'était un besoin très fort en elle d'exprimer à quelqu'un de neutre ce regret profond. Oui, on est des confidents. Ca manque à beaucoup de gens de parler, d'être écoutés, sans peur d'être jugés. Il y a aussi ce couple émouvant originaire de Perpignan. Ils avaient dans les 80 ans. Ils m'ont raconté comment ils s'étaient rencontrés une fois à la retraite, veufs tous les deux. Ils avaient manifestement plaisir à se réchauffer au souvenir toujours émerveillé de leur rencontre. Elle, elle vient à l'hôpital et passe toutes ses journées au chevet de son mari. Et puis ce fils qui travaille à La Défense, et qui vient tous les soirs après son travail rendre visite à sa mère qui souffre d'un Alzheimer avancé. Il ressentait le besoin d'exprimer à quelqu'un qu'il fallait qu'il vienne tous les soirs, qu'il ne pouvait pas faire autrement. Parfois aussi, on n'est pas dans la confidence, mais on répond en tant que bénévole à un besoin de communication. Comme cette femme médecin qui venait voir sa mère hospitalisée. On a parlé de la crise sanitaire en France, de la restructuration de l'hôpital. C'étaient de simples échanges citoyens et cordiaux, mais je sentais que ce qui se jouait aussi, c'était le besoin pour elle de s'alléger du poids de l'angoisse de la maladie de sa mère. Chacun a une histoire de vie. C'est enrichissant pour nous bénévoles de les écouter, et en même temps, par cette écoute, on a une utilité sociale. On n'est ni médecin, ni psychologue, on n'a aucune posture professionnelle, et ça, ça libère la parole des proches, qui peuvent dire les choses qu'ils ont sur le cœur, les plus belles et les plus douloureuses. Parfois aussi, les visites des proches sont une épreuve pour les patients. J'ai accompagné une dame en fin de vie. Devant son mari, sa belle-fille et sa petite fille qui lui rendaient visite, elle voulait les rassurer. Au prix de beaucoup d'efforts, elle essayait d'être vive et enjouée. C'est un jeu épuisant ce jeu là, pour le patient, de vouloir « donner le change ». Et les proches ne se rendent pas toujours compte que leur gaieté factice n'aide en rien le malade. Quand sa famille est partie, elle s'est sentie autorisée à me confier sa faiblesse. Elle m'a simplement dit ‘' je veux dormir, je suis si fatiguée ‘', et nous nous sommes tenus un moment par la main, sans rien dire. Elle ne m'a jamais parlé de sa mort. Cette dame est décédée maintenant. Je suis heureux d'avoir su partager cette complicité et ce silence avec elle. Te sens-tu suffisamment ‘'accompagné'' et aidé par la Fraternité Accompagnement des Personnes Malades ? Ta formation te paraît-elle suffisante ? Les occasions d'échange (‘'transmissions ‘' téléphoniques après les visites, et  groupes de paroles) te paraissent-elles correspondre à tes besoins ? Franchement, je ne vois pas ce qu'on peut faire de mieux ! Il y a l'écoute, le partage, tout ce qu'il faut pour vivre son bénévolat aussi dans la fraternité. Pour ce qui est de la formation, je me dis que plus tard, j'irais bien volontiers faire de l'accompagnement dans une USP (Unité de Soins Palliatifs) où on n'a que des personnes en fin de vie. Ce moment là de la mort, c'est indispensable d'avoir quelqu'un qui te tient la main pour passer sur l'autre rive. Tout au long de ma vie, j'ai perçu ma retraite comme le moment du don de soi. J'ai envie de donner davantage. Je parlais de formation, mais en fait c'est une réflexion que j'ai envie d'approfondir, sur l'approche de la mort, le sens de la vie, la communication non verbale, ce qu'est l'accompagnement de fin de vie en soins palliatifs. J'ai besoin d'entendre d'autres personnes en parler. On peut partager cette universalité. Ca revient à travailler sur sa propre mort. Et enfin, si tu devais exprimer en quelques mots seulement ou en une phrase ce que sont tes accompagnements tels que tu les pratiques ou tels que tu souhaites les pratiquer, tu dirais quoi ? Inutile de paraphraser. On a tout dit avec cette citation extraite de ‘' La cité de la joie ‘' de Dominique Lapierre : ‘' Tout ce qui n'est pas donné est perdu ‘'. Communication Fraternité Accompagnement des Personnes Malades accompagnementdesmalades@petitsfreresdespauvres.fr Propos recueillis par Maryvonne Sendra 

Autres témoignages